Revues de presse

Un ange passe – revue de presse

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Les articles mentionnés dans cette revue de presse ont été partagés et discutés durant le mois d’octobre au sein du groupe de discussion « Gestion des Risques Interculturels » que j’anime sur LinkedIn (1934 membres à ce jour). Soyez bienvenu(e) si ces questions vous intéressent!

Rubriques : Influence – Education – Innovation – Clichés – Curiosités

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Influence

Il viendra un jour où, dans les formations en intelligence économique et dans les ouvrages spécialisés sur le sujet, les cas de Peugeot et de Renault contraints par les Américains de quitter le marché iranien seront étudiés et analysés comme des cas d’école exemplaires illustrant la notion de guerre économique. J’ai consacré un article pour chacun d’entre eux, voir ici et . A présent que les deux constructeurs français ont quitté ce marché majeur au Moyen Orient sous pression des Etats-Unis, qu’apprend-on ? Que la filière automobile iranienne est particulièrement courtisée par General Motors

Cette nouvelle ne sera en fait surprenante que pour ceux qui ont une courte vue des sanctions américaines. Il serait naïf de penser que celles-ci ont pour but unique de contrer les projets nucléaires de Téhéran. Les sanctions sont aussi des armes économiques pour saper l’influence de concurrents des entreprises américaines. Mais que les Américains « draguent » aussi ouvertement les Iraniens sur le marché automobile après en avoir tout juste éjecté Peugeot et Renault, voilà qui est plutôt humiliant pour les Français qui auraient au moins mérité d’un peu de discrétion pour ne pas perdre la face complètement.

Tout comme la vengeance, l’influence est un plat qui se mange froid, règle que ne semblent pas suivre les Américains, quitte à dévoiler trop directement leur jeu, ainsi que l’explique le Figaro :

« Le géant américain [GM] est entré en contact avec Iran Khodro, qui travaillait jusqu’en 2012 avec Peugeot pour fabriquer des modèles 206 et 405 que le groupe français a cessé de livrer à l’Iran à cause des sanctions occidentales imposées à Téhéran pour ses ambitions nucléaires. «Depuis au moins six mois que les émissaires de General Motors se rendent en Iran, ils n’en sont plus au simple repérage du marché», avertit l’industriel, «mais plutôt à l’ébauche du contrat de reprise des activités de GM», qui était solidement implanté du temps du chah. Pour sensibiliser les Iraniens à son retour, la multinationale de Detroit s’est même offert une campagne de publicité l’an dernier dans plusieurs journaux iraniens, via un grand cabinet d’avocats internationaux. Depuis, GM est même allé jusqu’à exporter cet été en Iran des modèles Camaro, via l’Azerbaïdjan. »

Un des articles les plus lus sur ce blog concerne la stratégie américaine pour influencer les minorités en France (plus de 17 000 consultations). S’il vient – malgré lui – renforcer les arguments des tenants de la théorie du complot, ce n’était évidemment pas l’axe d’analyse que j’avais pris. Mais si cet article retient l’attention des conspirationnistes, c’est qu’il met en lumière activités de manipulation de l’opinion française menées par l’ambassade des Etats-Unis en France. Pour ma part, il me semblerait plus utile d’analyser ce phénomène sous l’angle de la diplomatie publique pour le replacer dans un contexte complexe de luttes d’influence menées par des nombreux Etats auprès de la population d’autres Etats.

Le dernier exemple de diplomatie publique avec la France pour cible peut sembler surprenant, mais devrait lui aussi être analysé et comparé par rapport aux activités des Américains en France: il s’agit des efforts d’une puissance étrangère pour séduire les habitants des banlieues, et ce n’est pas le Qatar qui, un temps, avait proposé de créer un fond(s) banlieue pour aider financièrement les entrepreneurs qui en étaient issus. Il s’agit en fait de la Suède qui est en train, via son ambassade, de développer un programme ambitieux visant à promouvoir l’entrepreneuriat dans les banlieues. Comme un Etat ne dépense jamais en vain de l’argent public, il serait utile de procéder à une analyse des activités des Suédois pour déterminer l’objectif poursuivi, et plus profondément pour interroger cet intérêt de multiples puissances étrangères pour nos banlieues.

Education

Ce mois-ci, vous avez pu lire encore un article sur le modèle finlandais de l’éducation. « Encore », car on ne compte plus le nombre d’articles se penchant sur les excellentes performances des élèves finlandais dans les enquêtes internationales, notamment PISA. L’article du Monde est assez intéressant à lire car il met en avant une des clefs de la réussite des Finlandais : le fait de mettre le professur au cœur du système éducatif via le recrutement et la formation.

En écrivant ceci, j’ai moi-même un peu honte tant il (me) semble évident que le recrutement et la formation doivent être les piliers de la réussite du système éducatif. Le Monde indique ainsi qu’en Finlande « les candidats à l’enseignement doivent posséder un master pour suivre une formation, qui dure cinq ans minimum » et que la sélection est impitoyable : « seul un postulant à l’enseignement sur dix en atteint le terme ». Mais ce sont pourtant là une conception et des exigences aux antipodes de ce que nous faisons en France où la formation des professeurs est indigente comparativement à ce que pratiquent les Finlandais et où la sélection (concours de l’agrégation et du CAPES) a lieu avant la formation, et non après.

Concernant les grandes écoles, Le Monde évoque une “grande évasion”, avec 79 % des étudiants en dernière année dans neuf des plus grandes écoles du pays qui n’excluent pas de chercher un emploi à l’étranger. Même s’il faut nuancer cette “évasion” des cerveaux, et bien garder à l’esprit que la mesure de l’intention d’expatriation n’est pas la mesure de l’expatriation réalisée, il est indéniable qu’il y a un fort désir d’ailleurs de la part des jeunes diplômés des grandes écoles. Je le constate dans mes cours aux Mines, à Centrale et aux Ponts.

Il faut cependant relativiser. Car si de nombreux étudiants émettent le désir de partir, ils restent assez « conservateurs » dans leur désir : beaucoup souhaitent partir à l’étranger mais pour une entreprise française, et les destinations ne sont pas très variées (d’après l’enquête citée par Le Monde, 32 % se verraient bien aux Etats-Unis, 23 % au Royaume-Uni et 12 % en Allemagne).

Enfin, je souhaitais partager un tableau comprenant des statistiques établies par l’organisme Eurostat au sujet des Européens déclarant connaître une langue étrangère (source ici). Difficile de dire ce qui est compris par « connaître », d’où la prudence avec laquelle il faut prendre ces résultats où les Français apparaissent en dessous de la moyenne européenne :

Innovation

Ce mois-ci, un classement établi par Thomson-Reuters a montré que la France est le troisième pays le plus innovant au monde. Ce classement se base sur le nombre de brevets déposés auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) ou de l’Office européen des Brevets (OEB). Mais il y a un pas à franchir entre le brevet déposé et son exploitation commerciale, un pas que ne franchit pas ce classement. Le Nouvel Obs a publié un article plus réaliste en la matière : Les Français inventent beaucoup… au profit des étrangers.

Il explique que nous vendons « massivement » nos brevets à l’étranger au lieu de les exploiter. Il y a même depuis 2004 une « hausse exponentielle » des ventes de brevets français : « 90 % des transactions françaises en matière de brevets sont des ventes, contre seulement 10 % d’acquisition », autrement dit c’est la tendance inverse du commerce extérieur français où les achats sont excédentaires par rapport aux ventes. Le problème est que « nous sommes plus forts pour exporter nos technologies que pour les appliquer ».

L’innovation, ce n’est pas seulement en bout de chaîne une capacité à exploiter industriellement et commercialement les brevets, c’est aussi, en début de chaîne, un climat managérial propice à son émergence. Dans Les Echos, vous trouverez ainsi une liste de bonnes pratiques managériales internationales qui favorisent l’innovation. Cette comparaison pays fait ressortir des archaïsmes managériaux français déjà mis en avant sur ce blog (voir ici et ). La première bonne pratique concerne l’acceptation de l’échec, un point sur lequel nous sommes très en retard :

« En France, beaucoup de managers prétendent accepter l’échec mais, en pratique, l’échec est mal perçu tant par les managers que par leurs auteurs. En tant que coach de dirigeants, j’interviens fréquemment en environnement international. Un point commun entre ces pays particulièrement innovants que sont les États-Unis, Israël ou la Suède… c’est que l’échec y est réellement accepté. Voire valorisé. Le rapport à l’échec y est parfois presque aussi neutre que celui à la réussite. »

Un autre point important concerne la capacité de l’encadrement à prendre en compte les remarques et commentaires des collaborateurs, même si ceux-ci « ne plaisent pas » :

« Pour innover, l’entreprise a besoin de contestation. Dans la Silicon Valley, aux États-Unis, en Israël, en Suède, les organisations encouragent le désaccord et le débat. Un chef reste un chef, la hiérarchie y existe et est respectée, mais si un collaborateur estime que son employeur, ou sa business unit, est mis en danger par une mauvaise stratégie de son manager, il est invité à le dire. Le manager ne le prendra pas comme un affront personnel, il le percevra comme une façon de faire progresser le travail collectif. En Suède et en Norvège, par exemple, on n’attend pas du chef qu’il trouve toutes les idées : il arbitre et tranche, mais il doit surtout susciter l’innovation dans ses équipes, auprès des experts. »

Clichés

Un très intéressant article fait une synthèse assez complète sur les clichés des Français dans les publicités étrangères – où l’on voit que la baguette de pain et la grenouille ont encore un bel avenir. J’aime assez l’affiche pour des cours de langue (ci-dessous) qui a le “mérite” de montrer que la guillotine reste d’actualité dans l’imaginaire de certains (traduction de l’espagnol : « La meilleure façon d’en finir avec le français, c’est de l’apprendre une bonne fois pour toutes. ») :


Plus sérieusement, le Huffington Post revient sur l’affaire de « l’ange blond » (ci-dessous: photo diffusée par la police grecque), cet enfant blond aux yeux verts qui vit dans un camp de Roms en Grèce. Lors d’une perquisition, la police grecque découvre cette petite fille dont le physique intrigue. Aussitôt, l’emballement médiatique se déclenche : elle aurait été enlevée par les Roms, ces « voleurs d’enfants ». Cet emballement suscite également l’espoir milliers de familles en Europe et en Amérique du Nord, dont l’enfant a disparu.

Crédit photo: AFP/Greek police

Après enquête, il apparaît que ses parents biologiques sont en fait des Roms bulgares, et il peut y avoir des Roms blonds aux yeux bleus, ce qui va à l’encontre du stéréotype sur les Roms. Ils auraient confié leur fille à une famille de Roms grecs en 2009. Etant entrés illégalement en Grèce et la mère ayant accouché dans ce pays, ils auraient été dans l’incapacité d’obtenir des papiers d’identité ou de payer pour ceux-là afin de la ramener en Bulgarie. Que cette explication soit véridique ou pas, ce qui interpelle dans cette histoire est la rapidité, quasiment l’instantanéité, avec laquelle les médias de nombreux pays ont relayé un autre stéréotype sur les Roms qui seraient des voleurs d’enfants.

Dans Courrier International, un journaliste allemand correspondant du Spiegel fait part de son ras-le-bol de devoir incarner l’Allemand auprès des Français, surtout depuis que l’Allemagne fait la course en tête en Europe sur le plan économique. Il doit sans cesse répondre aux interpellations des Français comme s’il était l’ambassadeur, ou même la personnification, de son pays. Et quand il revient en Allemagne, les choses ne s’arrangent pas car on lui demande alors que ce que les Français pensent de l’Allemagne, d’où un aller-retour incessant entre les deux pays au sujet desquels on attend qu’il témoigne :

« On me demande rarement comment vivent les Allemands qui résident en France ou ce que je pense des Français. Cette question, seuls mes amis et collègues allemands me la posent lorsque je suis de passage en Allemagne. Et c’est là que se noue une drôle de comédie européenne : c’est l’histoire d’un homme que l’on interroge toujours sur le pays dans lequel il ne se trouve pas. »

Curiosités

Je termine cette revue de presse avec deux curiosités. La première concerne le Portugal où la cour d’appel de Porto a estimé qu’une entreprise de ramassage et de collecte de déchets avait injustement licencié un travailleur car celui-ci avait 2,3 grammes d’alcool dans le sang. L’argumentation du tribunal serait difficilement possible dans d’autres contextes culturels, en voici un extrait :

« Grâce à l’alcool, le travailleur peut oublier les adversités de la vie et se focaliser davantage sur son travail de collecte des déchets… Et le public comprendra que ce travailleur, plus heureux, sera également plus productif et rapide dans son labeur. »

Enfin, le Japon est une ressource inépuisable de curiosités. Voyez ce reportage vidéo au sujet des fruits qui sont vendus à prix d’or. Au-delà de l’anecdote, c’est aussi l’expression d’un autre rapport à la terre et à ses fruits, un respect extrêmement profond pour l’environnement qui ne peut qu’accentuer la douleur de l’épreuve que les Japonais ont enduré et endurent toujours avec le tsunami et la catastrophe de Fukushima :

 

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