Les articles mentionnés dans cette revue de presse ont été partagés et discutés durant le mois de juillet au sein du groupe de discussion « Gestion des Risques Interculturels » que j’anime sur LinkedIn (1824 membres à ce jour). Soyez bienvenu(e) si ces questions vous intéressent!
Rubriques : Marketing interculturel – Migrations économiques – Influence : le complexe français – Brimades au travail selon les pays – Curiosités japonaises
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Marketing interculturel
Le groupe breton La Brioche Dorée connaît un impressionnant succès à l’international. Selon Les Echos, il « prévoit d’ouvrir 115 magasins dans les huit ans au Japon, 80 en Corée, et négocie avec un partenaire chinois pour une centaine d’ouvertures ». Basée sur le modèle américain des fast foods, la réussite de la Brioche Dorée tient à son ancrage français, mais aussi à sa capacité à procéder à certains ajustements en fonction des goûts locaux :
« Au Japon, la pâte feuilletée contient une purée de haricots rouges. En Asie, en général, les produits sont plus petits et plus sucrés, mais ils sont plus massifs aux Etats-Unis. En France, le chausson aux pommes marche bien, dans le Sud américain, c’est plutôt celui aux légumes. Au Maghreb, le sandwich jambon fromage se fait au jambon de dinde. »
Ce marketing que j’appelle ici « interculturel », Le Monde semble le découvrir en consacrant un article au marketing « ethnique », qui se nomme et se pratique ainsi aux Etats-Unis. Pour le journaliste, le terme « peut choquer » en ce qu’il met en avant la notion d’ethnie, une catégorie proprement américaine. En fait, son article concerne tout simplement les adaptations de produits à des catégories spécifiques au sein de la population américaine. Il rappelle par exemple que :
« Campbell, diffuseur aux Etats-Unis d’une célèbre soupe à la tomate, l’a récemment agrémentée de citronnelle et de lait de coco, afin de séduire les consommateurs asiatiques. Et comment Nestlé introduit sur le marché nord-américain un nouveau produit chocolaté au “dulce de leche”, une confiture de lait dont raffolent certains Latino-Américains. »
Sur le fond, il n’y a pas de différence entre les pratiques de Campbell et Nestlé et celles de La Brioche Dorée : il s’agit de comprendre les goûts des clients et de s’y adapter. Qu’on le nomme ethnique ou interculturel, cet effort d’adaptation est essentiel. Comme indiqué dans l’article, c’est un « impératif commercial ». C’est même tellement évident qu’on se demande en quoi cela étonne le journaliste (allez vendre des sandwichs au jambon au Maghreb !…).
Cependant, je relève dans son article un passage intéressant concernant les secteurs qui ont été les premiers à s’intéresser à cette dimension interculturelle aux Etats-Unis – il y aurait d’ailleurs un beau sujet de recherche pour des étudiants (ces secteurs ont-ils été ou peuvent-ils être les mêmes en France, ou ailleurs ?) :
« Le premier secteur qui s’est intéressé au “marketing ethnique” a été celui des télécommunications, les immigrés et leur descendance étant “rentables” pour se connecter plus souvent à l’étranger. Il a été suivi par la finance, puis l’automobile : plus riches, plus éduqués, valorisant plus la qualité, les Asiatiques ne représentent que 5 % de la population américaine, mais contribuent pour 18 % aux achats de Mercedes ou de BMW. »
Migrations économiques
On signale au Maroc que des Espagnols travaillent en centres d’appels pour 400 à 500 euros par mois. Difficile de quantifier le phénomène qui reste certainement marginal mais il est tout de même extrêmement symptomatique d’un grave désarroi économique en Espagne : des Espagnols quittent leur pays pour tenter leur chance au Maroc, pays où plus de 20% des jeunes sont au chômage. Voici quelques témoignages réunis par l’AFP :
« Là-bas (en Espagne), j’avais tout liquidé. Il n’y a pas de travail, pas de financement des banques. » (Emilio, installé depuis un an et demi à Tanger)
« Je suis venu voir comment ça se passait ici, j’ai vu qu’il y avait beaucoup de facilités, des moyens de faire des choses pour développer le pays, dans la construction surtout. » (José Manuel Fernandez, salarié d’une entreprise espagnole spécialisée dans la réalisation de parcours de golf à Marrakech).
« Je suis arrivée à Tanger avec ma fille il y a trois mois. Je suis à la recherche d’un emploi. En Espagne, je gagnais 1.000 euros par mois mais le niveau de vie là-bas est trop élevé», Je préfère être à Tanger. L’Espagne, c’est mon pays, c’est clair. Mais je suis à l’aise ici, où la société n’est pas fermée, contrairement aux préjugés. » (Maria Gallande, la quarantaine)
Dans le domaine de la recherche, il est courant de parler de « fuite des cerveaux » par référence à ces talents partis à l’étranger pour plus de liberté, plus de d’opportunités et une meilleure reconnaissance financière. Le phénomène existe mais doit être nuancé, selon Le Monde.
D’une part, la France reste attractive avec 1 749 étrangers parmi les 11 312 chercheurs du CNRS et 264 étrangers parmi les 622 chercheurs de l’Institut Pasteur. La France est le premier pays en matière de taux de collaboration avec des laboratoires étrangers. Il y a un « brassage des cerveaux » extrêmement important en France et cela mérite d’être souligné.
D’autre part, la dernière enquête disponible sur le taux d’émigration des diplômés (2001 à 2007) montre que, pour l’ensemble des diplômés sortant du système éducatif, seulement 0,4% d’entre eux travaillent à l’étranger. Mais le taux d’expatriation augmente avec le niveau du diplôme :
« Le taux d’émigration est de 0,04 % pour les non diplômés, 0,4 % pour les bacheliers, 1,1 % pour les Masters et 2,1 % pour les docteurs. »
Au-delà de cet aspect quantitatif, il faudrait prendre en compte l’aspect qualitatif. Perdre 100 chercheurs de dimension moyenne n’a pas la même portée que perdre 5 chercheurs nobélisables. Difficile de se faire une idée, donc – même si l’expression de « fuite des cerveaux » semble exagérée.
Influence : le complexe français
Bernard Lapasset est Président de l’International Rugby Board (IRB) depuis 2007, il a été nommé en juin dernier Président du Comité Français du Sport International (CFSI) chargé de porté les candidatures françaises aux grands événements sportifs. Dans l’édition imprimée sur Figaro en date du 17 juillet (pas de lien web donc), vous pouviez lire un très intéressant entretien avec Bernard Lapasset, qui s’intitule tout simplement « Le modèle français du sport n’est plus adapté ». Ajoutons : n’est plus adapté aux enjeux internationaux.
Dans cet entretien, Bernard Lapasset fait le point sur les défaillances françaises en matière d’influence et de lobbying. Ses constats et réflexions entrent si bien en résonance avec les analyses faites sur ce site (voir la série d’articles sur Le complexe de l’influence) que j’ai repris trois passages pour les partager ici:
- Pourquoi la France ne séduit plus ?
- « Nous avons constaté un déficit de notre capacité à exister dans une relation permanente qui conditionne la reconnaissance d’autres fédérations, d’autres nations. Des pays savent s’organiser pour convaincre de leur élection et leur permettre d’être reconnus. On ne peut que constater un déficit de notre capacité à exister dans une relation permanente, à aller vers les autres, à tisser des liens… Pour vraiment exister, il faut une structure de communication, de lobbying au service d’un pays. Pourquoi certains y parviennent et nous non ? »
- La France paye-t-elle aussi une certaine suffisance ?
- « Quand on a perdu, c’est toujours la faute des autres, jamais la nôtre. Il faut faire attention avec ça… Après, je crois que la France n’a pas l’efficacité comme objectif terminal. On avait sans doute le meilleur dossier pour décrocher l’organisation des JO 2012. Mais il ne correspondait pas à ce que les votants attendaient. On n’a pas su trouver les bons arguments, laisser les sportifs pleinement s’exprimer. Une candidature doit être portée par des sportifs. A l’inverse, notre approche est très technique, très axée sur le cahier des charges. Mais ce qui compte, ce n’est pas ce qu’on met dans le dossier, c’est ce que les gens qui votent souhaitent y voir. On manque de pragmatisme, contrairement aux Anglo-Saxons. »
- « On ne peut plus continuer à avancer en ordre dispersé. »
- C’est le cas actuellement ?
- « Un exemple : le Medef nous a récemment contactés pour obtenir la liste des entreprises françaises présentes à Sotchi (Russie) où auront lieu les JO d’hiver l’année prochaine. Autre exemple : à Saint-Pétersbourg, GL Events avait son propre stand ; Bouygues était présent sous la bannière de Singapour, où il y construit un stade olympique. Mais, pour promouvoir le savoir-faire de nos entreprises, un atout dans notre quête de reconnaissance, il n’y avait personne ! Enfin si, il y avait bien un stand de la France. Mais à part une hôtesse et un pot de fleurs, il était vide. C’est n’est pas comme ça qu’on y arrivera. »
Brimades au travail selon les pays
S’interroger sur les facteurs culturels des risques psychosociaux est assurément une entreprise extrêmement délicate à mener. Le Journal du Net signale une étude sur les brimades au travail qui a été menée auprès de 1 484 employés dans quatorze pays différents. La conclusion principale tient au fait que l’acceptation ou non des brimades au travail dépend essentiellement de la culture du pays où elles ont lieu :
« L’étude révèle que le grand nombre de patrons en Asie, comme à Hong Kong et à Taiwan, montre que les employés sont plus enclins à accepter qu’ils soient malmenés. Le nombre d’employés malmenés aux États-Unis équivaut à celui de l’Asie mais les employés nord-américains sont plus susceptibles de souffrir de leurs patrons oppressants étant donné que leur culture prône l’égalité et l’équité. »
Notons au passage qu’accepter ne signifie pas apprécier : ce n’est pas parce que, dans certains contextes culturels, les employés acceptent les brimades au travail qu’ils les apprécient – et que, par conséquent, il faut en faire usage quand on est expatrié dans ces pays. La bienveillance dans les relations managériales est toujours bien plus productive – quel que soit le pays concerné.
Curiosités japonaises
L’étrangeté japonaise ne manque jamais de nous surprendre. Voici deux curiosités culturelles au sujet du Japon et de la crise économique. Cela pourrait être dit en forme de blague, du type :
- Pourquoi le Japon a été peu impacté par la crise des subprimes ? – Parce qu’ils parlent mal anglais et que, ne comprenant rien à ces produits financiers, les banquiers japonais n’en ont pas acheté ! (Le fautif : Wall Street Journal, Did Poor English Save Japan From Subprime?)
- A quoi voit-on que les salariés japonais ne bénéficient pas encore des effets de la relance ? – Facile : leurs épouses leur ont encore réduit leur argent de poche ! Comme disait l’autre : Etonnant, non ? (Le fautif : Les Echos, Les « Abenomics » à l’épreuve de la psychologie des ménages japonais)
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