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Les systèmes éducatifs, clés essentielles de compréhension des différences culturelles

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8 récits de petits agacements et de grands malentendus

Sollicitée par les autorités chinoises pour des partenariats en Chine, des directeurs de grandes écoles françaises commencent la réunion par de longs et ennuyeux discours exposant les principes philosophiques de l’éducation à la française, alors que leurs interlocuteurs s’attendaient à échanger directement sur les filières proposées et les débouchés potentiels pour leurs étudiants, plutôt que d’écouter la longue généalogie de « l’honnête homme » depuis la Renaissance jusqu’aux Lumières.

Au sein d’un groupe franco-belge de l’énergie, l’équipe basée à Bruxelles a la surprise de voir un document qu’elle avait communiqué aux bureaux parisiens lui être renvoyé avec des corrections en rouge des quelques belgicismes qu’il contenait. Dans le mail, l’expéditeur a tenu à préciser : « Nous vous renvoyons votre document corrigé en français. »

Dans une entreprise franco-allemande, les réunions entre collègues français et allemands sont régulières, et très régulièrement elles donnent lieu à des agacements mutuels : les Français vont du général au particulier, tandis que les Allemands vont du particulier au général. Les premiers semblent flous et peu fiables aux seconds ; les seconds semblent manquer de sérieux aux yeux des premiers. 

Au Nigeria, le DRH français d’un grand groupe de l’énergie fait un discours pour motiver les collaborateurs qui ont été promus au rang de managers. Il leur demande ce qui est le plus important pour un manager: être ou faire? Et il se met à longuement disserter sur le fait que « le débat n’a jamais été tranché entre la focalisation de René Descartes sur la justification par l’action et l’injonction de Socrate selon laquelle il ne peut y avoir d’agir sans être. »

Des instructeurs français chargés de former des jeunes Chinois pour devenir pilotes de ligne apprécient leur capacité à mémoriser et retranscrire très précisément les informations des manuels. Mais ils ne comprennent pas pourquoi ils ont une extrême difficulté à faire varier ces mêmes informations selon les circonstances et les imprévus en situation de vol.

Invitée par son partenaire américain à présenter sa conception de l’innovation, une équipe française parvient à formuler une définition théorique de l’innovation après de nombreuses réunions et d’intenses discussions. Mais, ayant pris conscience de son approche trop conceptuelle, elle se ravise et finit par proposer trois récits d’innovation, l’un remontant à dix ans, l’autre à cinq ans et le dernier très récent, de manière à expliquer l’évolution de son approche de l’innovation. Cette démarche de « storytelling », inédite de sa part, s’est heurtée à la forte réticence de certains membres de l’équipe qui trouvaient cette manière de faire manquant de sérieux et peu rigoureuse sur le plan intellectuel.

Le département RH d’une entreprise britannique qui a des employés venant de très nombreux pays s’étonne : comment se fait-il que, suite à une formation ou une conférence, les collaborateurs français sont la plupart du temps les seuls à ne pas donner l’appréciation la plus positive ?

Un collaborateur d’Air France témoigne: « Je vois une grande différence entre Air France et KLM en ce qui concerne la rapidité avec laquelle les idées se propagent alors que chez Air France, on réfléchit d’abord en profondeur, on fait un pas en arrière, des études, etc. » Un de ses collègues néerlandais explique quant à lui que « des faits, des faits, un débat ouvert et une attitude volontaire nous aideraient énormément » et aimerait que les Français fassent en sorte « qu’il soit possible de discuter des choses telles qu’elles sont vraiment. » (cf. sur ce site Turbulences interculturelles chez Air France-KLM: des employés témoignent)

Retour aux sources: l’éducation

J’ai puisé ces huit récits dans le vaste catalogue des anecdotes interculturelles recueillies depuis près de douze ans pour trois raisons principales:

  • D’abord, elles sont récurrentes et témoignent d’une certaine spécificité française, en tout cas de tendances qu’on retrouve plus fréquemment venant des Français plutôt que, par exemple, venant des Américains ou des Japonais.
  • Ensuite, elles nous en apprennent autant sur les Français que sur leurs partenaires étrangers: nous sommes là dans l’effet-miroir de la relation interculturelle. Ainsi, la réunion entre Français et Allemands nous renseigne aussi bien sur les uns que sur les autres au sujet de leur manière d’argumenter et de convaincre, tout comme l’étonnement des Britanniques devant le peu d’appréciations positives indique aussi une tendance de leur part à émettre plus d’appréciations positives.
  • Enfin, nous nous confrontons ici à des écarts culturels concernant l’approche conceptuelle, la démarche déductive ou inductive, le style d’apprentissage, la place du débat argumentatif, la valorisation du raisonnement philosophique, le temps de la réflexion par rapport au temps de l’action, la tendance à corriger de façon abrupte ou la difficulté à partager le retour positif : autant de particularités sur lesquelles bien des étrangers nous interrogent lors des formations.

Comprendre, ce n’est pas seulement décrire des effets mais c’est aussi et surtout expliquer par les causes. Là se trouve en amont l’un des grands défis des formations interculturelles, avec en aval la capacité à identifier et ajuster certaines pratiques pour une meilleure entente mutuelle et une coopération plus efficace.

Alors, d’où viennent les particularités indiquées ci-dessus ? Sont-elles dus aux personnalités des protagonistes, ou bien à des différences liées aux cultures professionnelles, aux cultures d’entreprise ou encore aux cultures dites nationales (pour ma part je préfère parler d’influence du « contexte sociétal » pour éviter de rabattre la complexité culturelle sur le seul plan du « national »)?

La plupart du temps, nous avons affaire à un cocktail complexe de ces dimensions explicatives parmi lesquelles, au lieu d’en isoler une seule comme élément d’explication, on essaie de déterminer quel est le centre de gravité le plus important dans tel ou tel retour d’expériences. Sur le plan du contexte sociétal, il est un facteur souvent négligé ou bien trop rapidement mentionné alors qu’il a fortement contribué à modeler et former tout individu depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte : le système éducatif.

Le visage des étrangers à qui je détaille quelques singularités de notre système éducatif s’éclaire soudain (ah, la fameuse dissertation !… oh, le cours de philosophie !… et le cours magistral!…) et ils saisissent mieux, par exemple, pourquoi 57% des employés français suivent les instructions de leur manager seulement si leur raison est convaincue, contre 21% des employés danois (cf. sur ce site Working with the French, feedback from the field).

Alors, remontons à la source et examinons par exemple des dessins d’enfants. Dans un article passionnant intitulé « Dessine-moi un bonhomme », Universaux et variantes culturelles (pdf), le pychologue René Baldy montre les dessins de deux petites filles de dix ans, une Suédoise (dessin de gauche) et une Tanzanienne (dessin de droite), à qui on a demandé de représenter leur salle de classe :

La petite suédoise se dessine au centre de la classe et son institutrice est toute proche d’elle, tendant ses bras vers elle, dans une attitude où nous pouvons lire l’intention de se mettre au service de son élève, de travailler pour elle : c’est l’élève qui est au cœur de la relation pédagogique. C’est tout l’inverse avec la petite Tanzanienne reléguée au fond de la classe, minuscule par rapport à la maîtresse distante et gigantesque.

Nous avons là des systèmes éducatifs structurés selon des valeurs extrêmement différentes qui façonnent en grande partie chez les individus la relation à l’autorité, le mode de communication, les attitudes en public ou la perception de soi. A terme, il n’est pas surprenant que les adultes qui en sont issus se retrouvent dans des relations managériales très différentes, avec pour les uns l’évidence de se mettre au service de leurs collaborateurs quand ils sont managers, et pour les autres la nécessité de se mettre au service de leur manager quand ils sont subordonnés.

En ce qui concerne la tendance française à “corriger” de façon abrupte les partenaires étrangers, je vous laisse apprécier ce qu’a tweeté il y a tout juste deux jours la mère d’une élève en classe de 6ème (je ne montrerai pas le tweet avec le nom dans la mesure où cette personne a par la suite effacé son message):

Invitation à un petit tour du monde des systèmes éducatifs

J’encourage toujours les partenaires de différents pays à échanger le plus possible sur leurs systèmes éducatifs respectifs. De même, quand j’ai des étudiants de différentes nationalités, je les fais travailler sur leurs systèmes éducatifs, depuis le primaire jusqu’à l’enseignement supérieur, pour identifier avec eux des clés significatives d’explication de certains enjeux professionnels.

Depuis un certain nombre d’années, je recueille des témoignages et articles sur le sujet. Je vais partager ici quelques extraits qui concernent aussi bien la petite enfance que le supérieur et qui n’ont pas pour vocation d’analyser en détail les systèmes éducatifs en question mais qui ont valeur de témoignages permettant d’éclairer également des enjeux interculturels, notamment avec les Français, en ce qui concerne le relationnel, le mode de raisonnement, la préparation des réunions, les styles de communication, la pratique du feedback, le rapport à la hiérarchie, le travail en équipe, etc.

Etats-Unis – Partage, confiance et responsabilisation

  • Des enseignants-stagiaires de l’Académie de Montpellier en immersion dans des écoles new-yorkaises (source):

Au lieu de lire le même livre, les élèves en choisissent chacun un dans la bibliothèque de la classe et le lise indépendamment, le professeur devant veiller à ce que le livre soit au niveau de l’élève. Ensuite les enfants partagent ce qu’ils ont appris en groupes de travail composés généralement de cinq enfants. Ils développent ainsi la parole et sont fortement incités à communiquer avec les autres enfants. Cette méthode a retenu l’attention des enseignants-stagiaires puisqu’elle est répétée jusqu’à la fin de l’école primaire tandis qu’en France les élèves sont assis en ligne en face du professeur dès le CP.

Comme le disent eux-mêmes les professeurs, les principaux et les enseignants-stagiaires : « le professeur est un guide qui accompagne les enfants vers la bonne décision ». Le professeur américain ne donne pas la leçon comme le ferait un professeur français, il donne les instructions puis il laisse les enfants apprendre seuls. Et lorsqu’ils se trompent, il ne les corrige pas mais il les aide à trouver la bonne réponse par eux-mêmes. La philosophie pratiquée ici vise à donner confiance à l’enfant, en motivant ses efforts pour apprendre d’avantage.

  • Extrait de l’article Jeunes: le pessimisme des Français contre l’enthousiasme des Américains (source):

Les jeunes Américains sont très tôt encouragés à avoir des responsabilités et un rôle actif dans la communauté: magazines de lycée, prise de parole en public, levées de fonds pour des projets extrascolaires, volontariat, petits boulots, discussions personnelles avec les professeurs, etc. L’effet de ces initiatives est de réduire la distance hiérarchique entre jeunes et adultes, ainsi que de favoriser le sentiment qu’il est possible d’avoir un impact concret sur les choses.

Québec – Examens à la maison ou à livre ouvert, cours préparés à l’avance

  • Lisa Inganni, huit mois en échange à l’université de Montréal en dernière année de licence de droit (source):

Les examens, eux, sont complètement différents, et souvent sous la forme de « take-home », à faire chez soi. Il s’agissait soit de questions de cours, soit de devoirs de recherche, dont nous étions souvent libres de choisir le sujet, et qui nécessitaient un temps de travail important et une mise en page très précise : un guide indiquait comment présenter les références et la bibliographie. J’ai beaucoup aimé ces devoirs, qui obligent à une très grande rigueur, tout en nous permettant d’utiliser toutes les ressources dont on peut avoir besoin.

Il y a aussi des examens sur table, mais ils se font très souvent à livre ouvert, avec le cours, le livre de référence ainsi que d’autres documents mis spécialement à disposition par le professeur pour l’examen, lequel privilégiera parfois davantage de réflexion.

  • Témoignage d’un de mes étudiants du master SDAI de l’Ecole centrale, recueilli en 2014:

Les cours doivent être préparés à l’avance par les étudiants à partir de documents donnés par le professeur. Celui-ci fait des commentaires toujours positifs sur nos travaux ou quand on intervient à l’oral.

Pays-Bas – Une approche résolument pragmatique

  • Caroline Rey, stagiaire du second degré en Lettres Modernes à la Hogeschool de Rotterdam (source):

Les priorités, en matière d’éducation, des Pays-Bas sont le développement de compétences et de savoir-faire davantage que l’acquisition d’un savoir encyclopédique ou même critique d’ailleurs. […] Le libéralisme hollandais repose sur un contrat tacite d’obéissance aux normes établies. Beaucoup moins de règles, mais des règles bien acceptées. Beaucoup plus de changements, mais sans angoisse. La transgression n’est jamais une valeur positive, la progression si. L’élève est autonome, l’éducation individualisée. L’enfant, en effet, est le propre maître d’œuvre de son apprentissage. Il connaît, à l’avance, le programme du trimestre et peut ainsi aller à son propre rythme et s’avancer dans les matières où il réussit le mieux. La progression d’un élève dans une discipline ne doit pas dépendre de la progression du groupe classe.

Dans le collège de La Haye où nous nous sommes rendues, le professeur avait recréé un vrai petit village français avec son restaurant, son café, sa supérette, sa MJC, son commissariat, sa gare et son office de tourisme. J’ai été personnellement affectée au restaurant « Les trois brasseurs » où je faisais office de serveuse. Les élèves devaient être capables de demander une table, de commander leur repas et de demander des précisions sur les plats proposés, de féliciter le chef ou au contraire de lui signifier que son entrecôte n’était pas cuite, et enfin de demander l’addition après avoir poliment refusé le café offert par la maison.

  • Témoignage confié par Vincent Merk, enseignant à Eindhoven University of Technology et vivant aux Pays-Bas depuis presque 40 ans:

Aux Pays-Bas, le fameux consensus s’apprend dès le plus jeune âge dans le primaire où le lundi matin les élèves assis en cercle racontent leurs activités du week-end et chacun écoute et attend son tour pour parler. Le cercle a d’ailleurs beaucoup d’importance, on le retrouve lors d’événements sociaux ou familiaux comme les fêtes d’anniversaire, etc.

Allemagne – Epanouissement personnel et spécialisation

  • Extrait de La scolarité en Allemagne (source):

Les Allemands privilégient une éducation qui favorise le développement individuel : le « Bildung » (référence à la tradition allemande de culture de soi) est la base de leur système éducatif. Selon eux, l’enfant doit grandir et développer sa personnalité, son individualité et ses propres talents. En classe, cela se traduit par de nombreuses discussions et des travaux en petits groupes, afin d’encourager les enfants à parler, débattre, à être critique et à écouter les autres.

Contrairement à la France où le but de l’école est d’abord de transmettre les savoirs, le but de l’école allemande est de former des enfants équilibrés et aptes à vivre en collectivité.

  • Témoignages de Français ayant participé aux Programmes Internationaux d’Echanges (source):

Les cours [au lycée] ont lieu du lundi au vendredi (très rarement le samedi). Ils durent 45 minutes. Ils débutent entre 7H30 et 8H00 suivant les ‘Länder’ et finissent entre 13H00 et 13H30 ou entre 15H00 et 15H30 (suivant les jours et suivant les matières choisies). Il n’y a jamais plus de deux après-midi de cours dans une semaine. Le reste de la journée est principalement consacré au sport, aux activités parallèles (club, art…), aux discussions, au travail à la maison.

L’ambiance en classe est bien meilleure [qu’en France] – ça discute, ça parlemente, la voix du professeur n’est pas la seule à être entendue – contrairement à la France, le prof en Allemagne n’est ni le roi ni l’empereur.

Les enquêtes font ressortir l’importance de la pratique musicale (cours individuels, orchestre, orchestre de chambre). La pratique du sport est relativement importante (entre 2 et 4 heures) et surtout plus spécialisée qu’en France, puisqu’un étudiant choisit un sport pour toute l’année (basket, foot, judo, karaté, volley, badminton, danse, canoë), et qu’il s’affine dans ce domaine.

Italie – Compétences orales et évaluation négociée

  • Extrait des actes du colloque Les enjeux de la communication interculturelle : compétence linguistique, compétence pragmatique, valeurs culturelles, MSH, 2007:

La démarche expérimentale avec problématique et hypothèses est réservée au discours scientifique et n’a pas vraiment cours dans l’enseignement secondaire. D’où une certaine dérive si l’on met des Italiens en situation de discuter de “n’importe quoi”, alors que la culture scolaire les a habitués à exposer des savoirs selon une structuration interne au sujet particulier.

On note aussi de fortes différences dans la culture de l’évaluation. Au bac par exemple, le jury collégial est formé essentiellement par des professeurs internes à l’établissement. L’oral est interdisciplinaire sur un mémoire thématique préparé suivi de questions de précision sur certains points de la discipline. L’oral constitue aussi une occasion où les épreuves écrites peuvent faire l’objet d’un débat et d’une remédiation.

A l’université, l’examen est essentiellement oral, d’où aussi la compétence communicative orale des jeunes Italiens. L’évaluation est immédiate, la note négociée et explicitée. L’échec n’est pas pénalisant, il y a un script de sortie de la situation d’examen. Il n’y a pas d’évaluation en dessous du seuil d’acceptabilité. On est donc attentif au maintien de la face du candidat.

Espagne – Une approche plus empirique des mathématiques

  • Commentaire de Sylvain, lecteur de mon article Les Français et le démon de la théorie : 3 anecdotes (source):

J’ai pu remarquer et vivre les différences dans la manière d’aborder les mathématiques en France d’un côté, et à Barcelone (voire le reste du monde) de l’autre.

J’en étais déjà conscient puisque les nombreux étudiants internationaux dans mon école sont très rebutés par la façon d’aborder les mathématiques en France. En effet, dans mon école on met l’accent sur les définitions, sur les démonstrations puis sur des problèmes assez abstraits…pour finalement tout simplifier à outrance en travaux dirigés au point où le cours et le TD n’ont plus rien à voir.

Résultat: en caricaturant, on ne comprend rien en cours (malgré un bagage conséquent acquis en prépa) et les TD sont inutiles. En revanche à Barcelone, l’accent est mis sur des exemples et des exercices de calcul. L’aspect théorique sera peut-être abordé, mais plus rapidement et aussi plus facilement car on les induit des exemples. Je n’avais également aucun TD, ce qui me permettait de travailler à la bibliothèque, seul ou en groupe.

Je tiens aussi à préciser que privilégier la théorie a aussi un côté pratique ! Lors de mon semestre à Barcelone, j’ai eu un projet d’algorithmique. Donc assez formel et conceptuel. Il consistait à créer un programme pour optimiser le rangement de paquets dans des camions.

Le projet débute par une partie d’analyse et de modélisation du problème pour aboutir à l’algorithme qui range correctement. Il ne reste plus qu’à l’implémenter et le tour est joué. Pour moi et un collègue français : aucun problème. Mon collègue a même réussi à modéliser et à l’implémenter en une après-midi.

Le cas d’un catalan me revient très clairement, car j’essayais de l’aider et de le guider pour qu’il trouve de lui-même une bonne solution. Il essayait de trouver une expression mathématique de l’algorithme (loin d’être triviale) de façon empirique ! Il imaginait une solution, puis la testait : ça ne marchait pas. Puis il changeait un signe ou que sais-je et il recommençait ! Je peux vous assurer que j’ai finalement passé plus de temps à aider mes collègues qu’à faire ce projet.

Danemark – Préparation des cours et travail en groupes

  • Paul Vignes, 20 ans, étudiant en marketing à Aarhus (source):

Fini les longues journées 8 h-18 h, fini les quantités monstrueuses de travail à préparer pour le lendemain. Ici, les seuls « devoirs » demandés sont de venir préparé en classe, c’est-à-dire avoir lu les chapitres dont le cours traitera le lendemain. J’ai aussi moins d’examens mais plus de projets en groupes, car le travail en équipe au Danemark est privilégié et très apprécié en entreprise.

Russie – Distance, respect de la hiérarchie et esprit de groupe

  • Une responsable d’école hôtelière, témoignage recueilli sur ce blog (source ):

Ici, le professeur est « Dieu », et les étudiants attendent en silence de recevoir sa parole, sauf si « Dieu » les sollicite nominativement et attend une réponse. Il en découle, en plus de cette incapacité à spontanément prendre la parole, une véritable distance et appréhension vis-à-vis de la hiérarchie.

A l’école en Russie, on apporte des fleurs le 1er septembre à son professeur, qui est dans la plupart des cas une femme. Pour le Nouvel An, on lui offre un cadeau. Le système établit une relation maître/élève qui est à la fois distante, maternelle et très hiérarchisée. De peur d’être mal vus, les élèves ne prendront que très rarement des initiatives individuelles, et ils préfèreront se conformer à la norme, quitte à ne pas exploiter totalement leur potentiel.

Le travail de groupe à proprement parler est assez rare dans les écoles ou universités russes, mais il peut intervenir de manière informelle parce que les élèves et étudiants se connaissent par cœur. Sauf à déménager ou à redoubler, un élève se trouvera normalement avec le même groupe d’enfants à l’école pendant 11 ans. Idem pour les étudiants, qui font partie d’une « cohorte » de 100 étudiants et même d’un sous-groupe d’environ 30-35 personnes qui ont les mêmes options.

  • Témoignage confié par Jérôme Dumetz, enseignant et consultant:

Lors des formations que je dispense, j’ai déjà eu souvent la preuve des écarts d’évaluation entre les Russes et les Français. Sur une échelle de 0 à 10, si la formation est bonne, on se retrouve avec des 10 du côté russe, et des 7-8 du côté français. La raison semble liée à la notation à l’école.

En Russie, on note de 5 à 1: 5 veut dire parfait, 4 veut dire bien mais avec quelques petites erreurs, 3 est passable, et 2 est un échec (la honte). On ne donne jamais 1. En France, 10 c’est la moyenne mais c’est déjà pas mal! Avec un 12/20 on a la tête haute alors qu’un 14 ou 16/20 c’est franchement la classe (enfin, à mon époque). Avec 20/20, c’est hyper rare, il faut avoir limite fait aussi bien que le professeur. D’où des évaluations disparates malgré un ressenti similaire.

En Russie, les examens sont souvent oraux et sans note, juste un pass/fail (réussite/échec). J’avoue qu’après plus de 15 ans d’enseignement à travers pleins de pays, je trouve ça plutôt bien (le système de notation, pas l’oral. Je reste attaché à un examen “égalitaire”, donc écrit). Mais le plus intéressant avec le système russe est que même si tout le monde finalement finit par avoir un “pass”, le professeur peut tout à fait être plus exigeant envers un bon élève et plutôt flexible avec un moins bon.

Japon – Conformisme, hiérarchie et collectif, importance de la formation littéraire

  • Mme Chiyo Kunimura, professeure agrégée de langue et culture japonaises, témoignage recueilli sur ce blog (source):

Dans le système scolaire du Japon moderne, que ce soit avant ou après la réforme néolibérale, l’art d’argumenter, la compétence argumentative, n’ont aucune place dans les programmes scolaires. Les Japonais qui raisonnent dans la vie de tous les jours sont alors méprisés, ou même ignorés. La France est en revanche le pays de la dissertation, qui pousse au maximum cette compétence à l’école.

C’est toujours l’entreprise qui dicte sa loi au système éducatif. Le but du système éducatif est toujours de former de bons employés, très honnêtes, intègres et compétents. L’école ne fournit qu’une base qui sera ensuite complétée par l’entreprise en fonction de ses besoins. La réussite au concours et l’intégration d’une université prestigieuse définiront le niveau social des Japonais. La hiérarchisation par la méritocratie dès la fin des études permet une structuration sociale dont l’entreprise ne sera que la continuité. L’une des conséquences du système d’emploi à vie est que les entreprises ne s’intéressent pas à la spécialisation d’un étudiant, qui doit avant tout être motivé, souple et modulable. L’entreprise va le faire évoluer en fonction de ses besoins. Tout ce qui est appris pour les concours est inutile en entreprise. Les jeunes Japonais ont donc l’impression d’avoir sacrifié leur adolescence au profit d’un apprentissage excessif et peu rentable.

Ceux qui réussissent sont reconnus, parce qu’ils ont réussi leur concours. Ainsi, lors de l’échange de cartes de visite, on donne le nom de l’école ou de l’université pour établir la hiérarchie entre les individus.

  • Une Japonaise au lycée en France (source):

J’ai été très étonnée qu’en France les profs arrivent à l’école pile pour faire leur cours et qu’ils s’en aillent aussitôt les cours terminés. C’est inconcevable au Japon. Chez nous, les profs arrivent vers 7h30 le matin. Le soir, ils restent après les cours, préparent des dossiers, les cours du lendemain, travaillent entre eux.

Contrairement à la France, la branche littéraire est la plus recherchée, et la plus répandue aussi, car elle offre plus de débouchés. Seuls ceux qui se dirigent vers les carrières purement scientifiques (profs de maths, biologistes, médecins…) optent pour la branche «Scientifique». Au Japon, les métiers qui touchent au social, au politique, au juridique, mais aussi au business et au commerce, sont accessibles en priorité à ceux qui ont une formation purement littéraire.

Tous les jours de 15 h à 15 h 30 on fait le ménage. Et pas seulement notre classe. On est répartis en trois groupes : le premier groupe nettoie la salle de classe, le second les toilettes, le troisième la salle des profs, et on tourne chaque jour !

Singapour – Priorité au concret

  • Extrait de l’article Comment les Asiatiques survolent les classements mondiaux (source):

La méthode de Singapour met l’accent sur la résolution de problèmes et systématise une pédagogie en trois étapes : les élèves manipulent des objets, puis ils représentent les problèmes par des dessins avant de les traduire en concepts mathématiques.

« A Singapour, un professeur n’a légalement pas le droit d’enseigner les maths sans objet concret : s’il donne à ses élèves un exercice qui comporte des ballons, il apporte des ballons », insiste Mark Hartley, le directeur de l’école Barnes, une autre institution londonienne classée dans le top 5 des meilleures écoles primaires britanniques, selon le journal « The Telegraph ».

Vous avez d’autres témoignages et expériences sur les systèmes éducatifs étrangers? N’hésitez pas à partager ci-dessous en commentaire!

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Quelques suggestions de lecture:

2 Comments

  1. Bonjour Merci pour cette analyse très instructive. Qu’attend-t-on pour faire évoluer l’enseignement en France? Il manque peut-être les avantages du système français, il doit bien y en avoir quelques uns … Y-a-t-il de études dans ce sens ?
    Yves (ayant suivi votre formation Travailler efficacement en contexte multiculturel récemment)

  2. Benjamin PELLETIER

    @Yves – Il y a en fait déjà un mouvement de fond en France mené par de très nombreux enseignants innovants afin de faire évoluer les pratiques. Voyez par exemple le travail très intéressant conduit par l’association “Inversons la classe!”: https://inversonslaclasse.fr/

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