Les trois études Expat Explorer
La banque HSBC vient de publier son troisième rapport annuel Expat Explorer sur l’expatriation dans le monde. Il s’agit d’une étude menée auprès de plus de 4000 expatriés. Si les résultats sont à prendre avec précaution dans la mesure où les échantillons sondés sont très variables quantitativement et qualitativement d’un pays à un autre, ce coup de sonde a le mérite de permettre de dégager les grandes tendances de l’expatriation aujourd’hui.
Le rapport est scindé en trois parties :
- la première sur les enjeux économiques de l’expatriation dans 25 pays (ici, en pdf)
- la seconde sur l’expérience de l’expatriation en termes de qualité de vie dans 25 pays (ici, en pdf)
- la troisième sur les questions relatives à l’éducation, à la santé et à l’intégration des enfants d’expatriés dans 14 pays (ici, en pdf)
Voilà de quoi dessiner les grandes lignes de l’expatriation en France en 2010.
Une destination financièrement peu intéressante
La France se classe seulement 23e sur 25 pays quand on considère la dimension économique de l’expatriation. Ainsi, elle est classée 22e et 24e sur les 25 pays étudiés quant aux revenus des expatriés et aux perspectives d’enrichissement. Outre le fait que les salaires proposés ne sont pas les plus avantageux, le coût de la vie en France et le taux de change euro/dollar sont également des facteurs aggravants.
Globalement, les pays européens sont jugés peu attractifs par rapport à cette dimension (cliquez sur la carte ci-dessous pour l’agrandir) :
Cependant, l’avancement de la carrière et les perspectives d’enrichissement ne sont pas les objectifs premiers pour la majorité des expatriés en France. Ils sont seulement 26% à mentionner ces deux facteurs pour expliquer les raisons de leur expatriation en France. Parmi les pays étudiés, seule l’Espagne obtient un score inférieur avec 18% des expatriés ayant choisi cette destination pour ses avantages économiques. Malgré la crise actuelle, 90% des expatriés en France affirment ne pas en ressentir les effets et n’envisagent pas de retour prématuré dans leur pays d’origine.
Enfin, notons que la France est, avec l’Espagne, le pays qui comprend la plus grande proportion d’expatriés retraités (respectivement 33% et 38% des échantillons sondés). Par ailleurs, 48% des expatriés sondés en France ont plus de 55 ans, ce qui semble une caractéristique singulière par rapport aux autres pays – et une constante puisqu’ils étaient 42% dans le rapport Expat Explorer de 2009.
En somme, les expatriés en France ne sont ni les plus ambitieux pour leur situation économique, ni les plus jeunes. Contrairement à d’autres pays, la France n’est pas aussi dynamique pour « lancer » les jeunes recrues étrangères dans leur vie professionnelle. Par ailleurs, les expatriés en France semblent résister assez bien à la crise économique dans la mesure où ils ont plus un profil de senior que de junior.
Un cadre de vie privilégié mais une installation difficile
Malgré ses points faibles sur le plan salarial, la France reste pour les expatriés une destination de choix pour la qualité de vie. Ainsi, alors que la France et l’Espagne se classent dernières en termes de salaires et de revenus, ces deux pays (respectivement classés 9e et 12e sur 25) sont bien au-dessus des autres pays européens étudiés lorsqu’on interroge les expatriés sur la possibilité de se faire des amis dans leur pays d’affectation (Belgique : 21e, Suisse et Grande-Bretagne : 22e, Allemagne : 24e, Pays-Bas : 25e).
Les expatriés en France apprécient la gastronomie et la culture locales. Ils classent ainsi la France au 1er rang sur ces deux éléments. Voilà pourquoi ils sont également une proportion importante à venir s’expatrier en France avec le projet de s’y établir pour leur retraite (21% des expatriés).
Si les expatriés apprécient leur vie en France, c’est aussi parce qu’ils ont réussi à surmonter certaines difficultés, liées notamment à leur installation (la France se classe 11e sur 25). Les premiers temps en France n’ont rien d’évident, avec un système de santé au fonctionnement complexe (18e) et une culture managériale difficile à maîtriser (15e). La barrière de la langue est un obstacle majeur pour 57% des expatriés en France (contre une moyenne de 30% des expatriés dans les 25 pays de l’étude). Mais c’est le cas de la plupart des pays européens observés, Allemagne en tête (59% des expatriés).
Une fois ces obstacles franchis, les expatriés sont satisfaits à 67% du système de santé. Ils sont 79% à considérer qu’ils mangent mieux que dans leur pays d’origine (contre une moyenne de 52% des expatriés sondés) et 95% à apprécier la culture locale (contre une moyenne de 85% des expatriés sondés).
Des enfants d’expatriés épanouis mais moins bien intégrés
Pour les expatriés qui ont des enfants, la France est une destination de choix, notamment pour la santé, la nourriture et le système éducatif. Ainsi, les parents sont 65% à considérer que leurs enfants sont moins victimes de « malbouffe » (junk food) en France que dans leur pays d’origine. Par ailleurs, ils sont 40% (contre 28% en moyenne) à constater que leurs enfants regardent moins la télévision en France que dans d’autres pays d’affectation.
En revanche, bien qu’ils soient 89% à apprendre des langues étrangères, les enfants d’expatriés sont 39% seulement à mieux s’intégrer socialement en France que dans leur pays d’origine (contre 44% en moyenne dans les autres pays d’affectation des parents).
Enseignements
La taille des échantillons sondés reste limitée et ne permet pas d’analyses plus fines. Par exemple, il serait utile de connaître la nationalité des expatriés sondés, ainsi que leur proportion. Mais ce coup de sonde sur les expatriés en France a le mérite d’exister et ne manque pas d’intérêt.
D’une part, la France reste un pays attractif. Sa singularité par rapport aux autres pays réside dans la qualité de vie qu’elle permet, et notamment sur le plan de l’alimentation et de la santé. Ce n’est pas là anecdotique. Le fait que 79% des expatriés estiment mieux se nourrir en France que dans leur pays d’origine n’est pas négligeable. Il serait intéressant de pouvoir comparer cette donnée avec l’indice de satisfaction des Français expatriés par rapport à l’alimentation dans leur pays d’affectation.
D’autre part, l’importante proportion d’expatriés en France de plus de 55 ans et à la retraite interpelle. La France n’apparaît pas comme une destination de premier choix pour les jeunes professionnels étrangers. Serait-ce qu’elle ne leur donne pas la chance de développer leurs talents ou qu’elle n’offre pas assez d’opportunités sur le plan salarial ? Le fait est que la France est plus pour les expatriés un pays d’épanouissement ou de retraite que de conquête ou de tremplin.
Enfin, il faut signaler que, outre la langue, l’obstacle de la culture managériale reste très important pour les expatriés en France. Il y a là certainement un effort à faire en termes de management interculturel en France même, et notamment en ce qui concerne l’accueil des impatriés par les entreprises françaises (voir par exemple sur ce blog Accueil des impatriés : l’exemple danois… et le contre-exemple français). Par ailleurs, il semble que, tout comme les expatriés ont des difficultés à s’intégrer dans l’entreprise, leurs enfants ressentent des difficultés identiques à s’intégrer dans la vie sociale. Autrement dit, il nous reste encore bien du chemin parcourir pour mieux accueillir et accepter la diversité culturelle sur le territoire national (voyez ainsi Intelligence culturelle: pour en finir avec le déni des cultures).
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