Voici un premier post concernant l’Arabie saoudite, d’autres suivront.
1) Un reproche qui revient souvent chez les Saoudiens à propos des Français (je m’en tiens aux Français mais il va de soi que ces remarques peuvent s’adresser à d’autres nationalités) concerne:
– soit leur manque total de connaissance du pays, de son histoire, de sa culture et de l’importance de l’islam dans la vie quotidienne et les affaires
– soit, a contrario, et notamment chez les diplomates du Quai d’Orsay, une volonté exagérée de montrer qu’ils connaissent à fond la culture de ce pays, transformant ainsi les rencontres avec les dignitaires saoudiens en longs exposés ne laissant pas de place au dialogue, à l’échange et à la découverte des subtilités des relations interpersonnelles et inter-tribales qui sont capitales pour comprendre le tissu économico-politique saoudien.
2) Dans les deux cas, et pour des raison différentes, les Saoudiens ressentent fortement que le discours des Français est teinté de jugement négatif. Si l’ignorant va s’offusquer des coutumes locales, l’érudit va étaler sa science exhaustive des pays musulmans sans s’apercevoir qu’il établit malgré lui un comparatif entre ces pays.
3) Le facteur temps est fondamental pour établir la confiance avec les Saoudiens: la durée d’expatriation n’est généralement pas suffisante pour établir des liens d’affaire consistants. Ceci étant accentué par le manque flagrant de suivi des relations. Il est absolument nécessaire pour les entreprises françaises présentes en Arabie de cartographier les relations très complexes entre individus, familles et tribus, de suivre l’évolution de ces relations et, d’expatrié en expatrié, de transmettre ce savoir.
4) Il est également fondamental de suivre les investissements à l’étranger des grandes familles saoudiennes, les secteurs d’investissement, les partenaires commerciaux et financiers. Les relations interpersonnelles étant à la base des relations d’affaires, il convient de bien “profiler” son partenaire saoudien: autant de portes s’ouvrent et se ferment selon les relations d’affinité, et ce définitivement…
Quelques suggestions de lecture:
- Risques interculturels: le cas de l’Arabie Saoudite 3
- Risques interculturels: le cas de l’Arabie Saoudite 2
- Risques interculturels: le cas de l’Arabie Saoudite 4
- Ikea en Arabie Saoudite : quand adaptation rime avec contradiction
- L’Arabie saoudite pour les nuls (ou petite leçon de saoudologie à l’usage du sénateur Philippe Marini)
- Le détail à valeur monumentale – 4 anecdotes interculturelles riches d’enseignement
Bonjour,
Merci pour cet article.
Je travaille pour une entreprise française en Egypte, en Ressources Humaines.
Je vois également l’importance de l’Islam dans la vie et dans le travail, et la difficulté que l’on peut avoir à accepter que les égyptiens aient une manière de travailler parfois différente de la nôtre :
– il faut savoir s’intéresser à la vie personnelle de son interlocuteur (et accepter que l’on s’intéresse à votre vie personnelle et que l’on vous donne des conseils d’une manière qui est parfois agaçante pour un français !), faire des petits cadeaux, prendre le temps de discuter ou de boire un thé, même quand on n’a pas vraiment “le temps”
– laisser le temps à la personne de faire les choses à sa manière, car c’est aussi une manière pour elle de valoriser son travail (je sais maintenant qu’un “non” ne veut pas dire “non”, mais “c’est compliqué”, c’est-à-dire « mon travail est compliqué », et qu’il faut attendre un peu que la personne revienne avec une solution, sans se braquer ni imposer sa propre solution)
– le « inch allah » qui ponctue toute assertion concernant le futur est très intéressant, car au-delà de la connotation religieuse, et sans y voir du laxisme ou du je-m’en-foutisme, il montre plutôt, à mon avis, une intéressante philosophie de la vie, une prise en compte de la fragilité de la destinée humaine, du caractère parfois dérisoire des décisions que l’on prend…
Certains m’ont dit que je devenais trop « égyptienne », pourtant je continue de travailler à ma manière pour ce qui concerne mon propre travail, et je fais en sorte que le travail qui dépend de mes collègues soit fait dans les temps…Quand j’entends des français dire « tu fais comme je t’ai dit, on ne te demande pas de réfléchir », je suis passablement choquée…
En tous cas, travailler en Egypte est une expérience qui permet de changer de point de vue sur les choses parfois à plus de 180° et c’est tout à fait passionnant.
Merci pour le partage de ce retour d’expérience.