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Le revers de la médaille culturelle – revue de presse

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Revue de presse des articles du mois d’octobre ayant attiré mon attention et alimenté certains articles du blog.

Les surprises de la mondialisation

Dans la précédente revue de presse intitulée Vers la désoccidentalisation du monde, j’évoquais ces complexes relations de coopétition (coopération/compétition) entre acteurs économiques et industriels. Le secteur ferroviaire en est un parfait exemple. Si le mois dernier, la France et l’Allemagne ont annoncé la création d’un groupe ferroviaire commun, prélude à un possible « Airbus du rail », on pressent que ce projet visant à faire face à la concurrence asiatique est loin d’être sur les rails.

En effet, de nombreux journaux, dont l’Usine Nouvelle, se sont fait l’écho ce mois-ci de la défaite d’Alstom face à Siemens pour l’attribution du marché des Eurostars. Alstom a donc décidé de mener l’affaire devant les tribunaux pour montrer que l’offre de Siemens ne correspond pas aux normes de sécurité. Mais pour prendre toute la mesure de cette affaire qui, somme toute, concerne un vainqueur et vaincu dans un traditionnel appel d’offres, il faut remonter de l’effet à sa cause.

Or, il semblerait que Siemens ait anticipé une modification des règles de sécurité du tunnel sous la Manche pour pouvoir se qualifier et l’emporter. D’où deux questions pour l’instant sans réponse : comment et par quel canal cette information est-elle parvenue de manière « anticipée » à Siemens? Qui a eu l’initiative – et sur le conseil de qui – de proposer cette modification ? Voilà qui donnerait des éléments pour éclairer ce revers de la médaille…

Autre sujet à suivre de très près : la Grèce. D’un côté de la médaille grecque : l’Europe, et de l’autre côté : la Chine. En décembre 2009, je mettais en ligne sur ce blog Les Grecs parlent-ils chinois ? à propos des appétits chinois en Grèce. Il semblerait que les Grecs, non seulement parlent chinois, mais aussi dialoguent intensément avec la Chine.

Sous le titre Dans la tourmente financière, la Grèce soutenue par la Chine, Le Monde rapporte que d’ici 2015 les deux pays vont doubler leurs échanges commerciaux pour les porter à 8 milliards de dollars. Les investissements chinois vont se développer en Grèce, notamment dans les secteurs des transports, des télécommunications, du tourisme et de l’importation de marbre. Notons qu’un volet culturel est prévu, sans plus de précisions. Alors, la Grèce, un Etat africain comme un autre pour la Chine ?

Revers de la médaille pour Hollywood également. Dans l’article Quand Bollywood rachète Hollywood, on apprend que la firme indienne Sahara India (à l’origine un acteur majeur de l’aviation privée en Inde) cherche à s’emparer d’une part importante de la Metro Goldwyn Mayer (MGM). D’un côté de la médaille : les fournisseurs de « tuyaux » (par exemple Sony) et les diffuseurs (médias, internet) qui sont les créanciers de la MGM ; de l’autre côté de la médaille : le cash que les Indiens sont prêts à apporter à la MGM (1,85 milliard de dollars).

Enfin, deux informations plus anecdotiques donnent une idée des basculements en cours. D’une part, on apprend que plus de la moitié des vingt femmes les plus riches du monde – et que les trois premières au monde – sont chinoises. Elément important à prendre en compte : elles doivent leur fortune à elles-mêmes et non à leur famille. Deux facteurs culturels sont mentionnés : la politique de l’enfant unique qui dynamise l’activité des femmes et le rôle des grands-parents en Chine où il est de coutume que, pour libérer du temps, ceux-ci prennent souvent en charge la garde des enfants.

D’autre part, la crise est inexistante pour les marques de luxe qui sont dépassées par leur succès. Louis Vuitton doit même fermer ses magasins une heure plus tôt pour éviter la rupture de stock à l’approche de Noël. Encore une fois, cette explosion de la demande vient essentiellement des Chinois. 60% d’entre eux achètent un produit de luxe lorsqu’ils voyagent. Le luxe représente 85% de leurs dépenses en France. A Londres, les dépenses des Chinois dans le magasin Harrods ont augmenté de 130% entre 2009 et 2010. A Paris, les Galeries Lafayette comptent 60% de clients asiatiques.

Voilà qui amène les enseignes et créateurs à s’interroger sur la prise en compte ou non des particularités culturelles de cette clientèle. Voici un extrait de l’article de La Tribune :

« Autre question pour les équipes marketing : face à un tel volume de clientèle, faut-il adapter ses produits aux goûts chinois ? Là encore, les grands du prêt-à-porter et de la joaillerie jurent qu’ils ne le font en aucun cas, car les Chinois les plus riches recherchent précisément ce qu’aiment les Occidentaux. Mais dans la haute horlogerie les changements sont perceptibles. Leurs catalogues s’étoffent en montres plus petites, serties de diamants et avec peu de complications, type tourbillon, que la plupart des nouveaux riches chinois ne comprennent pas. »

Actualité des stratégies d’influence culturelle

Frédéric Martel, auteur de Mainstream, a publié un entretien avec Joseph Nye, le spécialiste des relations internationales qui a popularisé la notion de « soft power ». En soi, comme Joseph Nye le dit lui-même, cette notion n’invente rien. Le soft power (ou stratégie de séduction) est aussi vieux que l’humanité. Joseph Nye rappelle que dans la Chine ancienne Lao Tse évoquait déjà les leaders qui ne commandent pas mais trouvent leur légitimité dans la séduction. Ce qui a changé depuis une vingtaine d’années, c’est l’attention extrême portée par les Etats-Unis aux moyens d’influence.

Là, je me permettrais de noter cependant que Joseph Nye fait l’impasse sur toute la période de la guerre froide où les Américains ont développé une approche rationnelle et sur une vaste échelle du soft power – certes sans utiliser cette expression. L’ouvrage de l’historienne Frances Stonor Saunders Qui mène la danse ? La CIA et la guerre froide culturelle, mentionné plusieurs fois sur ce blog, le montre et démontre tout à fait. Voyez notamment l’exemple de l’utilisation du jazz comme outil de séduction des peuples du Sud, analysé dans La diplomatie publique américaine sur un air de jazz.

Je reproduis deux extraits de cette très intéressante interview de Joseph Nye :

« Avoir du « soft power », c’est avoir un comportement qui permet d’obtenir de l’autre ce que l’on veut. La culture populaire, comme ressource de « soft power », peut produire de l’influence comme elle peut ne pas en produire. En termes de « hard power », la logique est la même : un tank est très efficace pour gagner une bataille dans le désert, il est un poids mort dans un marais. »

« Les étudiants étrangers accueillis par un pays est une composante très importante du « soft power », et ce quel que soit le pays concerné. Les étudiants qui viennent sur votre sol sont déjà, a priori, intéressés – et c’est la situation minimale – par ce que vous représentez. Quand ils rentrent dans leur pays, il se sont, pendant six mois, un an, voire plus, imprégnés de vos valeurs, de votre modèle de société. Ils ont une idée plus précise de votre identité, de vos politiques. L’étudiant étranger va très souvent garder une disposition favorable par rapport au pays qui l’a accueilli et, du coup, il va diffuser, dans son pays d’origine, une meilleur connaissance, voire une image positive, du territoire qu’il a pu apprivoiser. Un étudiant étranger, c’est un point d’entrée sans pareil pour le pays d’accueil. »

Si je reproduis ce long passage consacré aux étudiants étrangers comme vecteurs de l’image du pays d’accueil dans leur propre pays, c’est qu’il s’agit là d’un point crucial en matière de stratégie d’influence. Les Chinois le savent pertinemment. Ainsi, le site chinois d’information Sina indique dans un article intitulé Bid to lure more foreign students (Une tentative pour attirer plus d’étudiants étrangers) que la Chine espère accueillir dans les dix prochaines années 129 000 étudiants étrangers supplémentaires. L’objectif est de parvenir à 200 000 étudiants étrangers à l’horizon 2020 (contre 71 000 en 2009).

Mais ce n’est là qu’une face de la médaille. L’autre face concerne l’intense activisme de la Chine à l’étranger pour séduire les étudiants dans leur propre pays, notamment en Afrique comme le note The Economist dans Where others fear to tread (Là où les autres craignent d’aller). Contrairement aux pays occidentaux qui ont toujours été réticents face à une telle initiative, Pékin a décidé d’installer une école de commerce chinoise en Afrique, en l’occurrence au Ghana.

Alors que jusqu’à présent la Chine proposait des formations à mi-temps au Ghana, elle a décidé de créer un campus à Accra, capitale du Ghana, pour proposer aux Ghanéens un executive MBA au sein de la China Europe International Business School (CEIBS). On peut parier que ce type d’initiative va se développer dans les prochaines années afin de renforcer les liens entre l’Afrique et la Chine ,mais aussi pour parvenir à créer une expertise africaine sur la Chine et chinoise sur l’Afrique qui, à terme, a pour vocation d’éliminer l’intermédiaire occidental dans les secteurs économiques, juridiques et scientifiques.

Enfin, le site Oumma a réalisé un entretien avec Farah Pandith, membre de l’Administration Obama et représentante spéciale du gouvernement américain auprès des communautés musulmanes. Voilà une figure séduisante pour porter le message américain. Lors de l’entretien, Mme Pandith est interrogée sur l’activisme US dans les banlieues françaises mais n’apporte évidemment rien de plus qu’une parole politiquement correcte. Il est dommage que son interlocuteur n’ait pas cherché à la faire sortir de ce discours consensuel, d’autant plus que le site Oumma renvoie à ce moment de l’entretien à l’article de GRI Les banlieues françaises, cibles de l’influence culturelle américaine.

La Francophonie côté pile et la francophonie côté face

La Francophonie avec un F majuscule – l’institution donc – se porte bien, comme en témoigne le XIIIe Sommet de la Francophonie qui a eu lieu à Montreux, en Suisse, du 22 au 24 octobre. L’institution a en effet accueilli cinq nouveaux Etats comme “membres observateurs” (Émirats arabes unis, Estonie, Bosnie Herzégovine, Monténégro et République Dominicaine). Mais l’autre face de la médaille, la francophonie avec un f minuscule – la pratique et l’enseignement du français – est plus problématique (sur cette distinction entre les deux francophonies, voir sur ce blog l’article Do you speak francophone?).

Il se trouve que juste avant le sommet de Montreux, les 20 et 21 octobre, j’étais justement en Suisse à Delémont pour participer avec des acteurs économiques locaux à une table ronde sur les enjeux de l’interculturalité et du multilinguisme pour les entreprises. J’en profite pour saluer le travail formidable effectué par La caravane des dix mots qui réunit des artistes, chanteurs, danseurs, écrivains francophones au sein d’une structure itinérante à la rencontre des populations locales. Je remercie également la Fondation Cours de Miracles pour l’organisation de cette table ronde.

Lors de cette rencontre avec les acteurs économiques de Delémont, les participants ont notamment fait part de leur inquiétude concernant la progressive disparition du lien linguistique qui unit les Suisses entre eux. Ce lien, c’est la capacité pour une communauté linguistique (la Suisse compte quatre langues officielles) de communiquer dans la langue d’une autre communauté, par exemple pour les Romands de communiquer en français ou en allemand avec les Alémaniques. Or, les Romands constatent qu’il devient de plus en plus fréquent de devoir s’exprimer en anglais avec les Alémaniques car chez ces derniers l’usage et l’apprentissage du français tendent à se raréfier.

Sans diaboliser la langue anglaise, il est cependant préoccupant que les Suisses doivent recourir à une langue extérieure à leur famille linguistique pour dialoguer entre eux. Voilà qui crée une étrangeté nuisible à l’appartenance nationale car une distance se creuse entre communautés, prélude à de possibles tensions à l’avenir. Il appartient au gouvernement fédéral de veiller très attentivement à ce début d’érosion. Car il serait dommage que des distances se créent à l’intérieur de la Suisse tandis que les passerelles linguistiques à l’extérieur (les francophones avec les Français, les germanophones avec les Allemands et les italophones avec les Italiens) constituent un atout majeur pour les Suisses dans leur coopération à l’international.

Etant donc en Suisse juste avant le sommet de Montreux, j’ai pu constater le gouffre médiatique qui sépare le traitement de cet événement dans la presse française et dans la presse suisse. Alors qu’en France quelques articles de circonstances rendent compte de cet événement, en Suisse Le Temps a publié une série d’articles passionnants sur l’actualité de la francophonie.

Ainsi, l’Organisation Internationale de la Francophonie a rendu public quelques jours avant le sommet un rapport sur l’état de la pratique et de l’enseignement du français. Vous trouverez ce rapport en suivant ce lien (pdf). A ce propos, le diagnostic n’est pas tout à fait le même selon Le Monde qui titre Le français progresse en Afrique mais il décline en Europe ou selon le quotidien suisse Le Temps qui titre de façon bien plus incisive L’Afrique évite au français une érosion mondiale. Voici un tableau récapitulant cet état des lieux :

Dans un autre article intitulé Blues francophone au cœur de l’UE, le Temps rappelle combien le français a régressé avec l’arrivée de nouveaux Etats dans l’UE depuis 1995 :

« Depuis l’intégration en 1995 dans l’UE de la Suède, de la Finlande et de l’Autriche, puis le grand élargissement de 2004, le Français est sur la défensive à Bruxelles. Le rouleau compresseur anglophone écrase tout sur son passage. Avec chiffres à l’appui: une étude a montré que sur plus de 200 élus des nouveaux Etats membres qui participent aux séances plénières du Parlement européen, 82% d’entre eux parlent l’anglais, 14% l’allemand et seulement 4% le français. »

Par ailleurs, Le Temps a publié un excellent article intitulé La langue de l’éternel âge d’or qui déconstruit le mythe d’une langue française qui aurait dominé dans le monde à l’époque des Lumières. Ainsi, Andres Kristol, professeur à l’Université de Neuchâtel, rappelle que tout le monde ne parlait pas français au XVIIIe siècle comme on l’affirme abusivement. En France même, tout au plus 10% de la population parlait français, langue alors de la Cour et du pouvoir.

Du coup, les Français ont une image déformée de leur propre langue par référence à un supposé âge d’or et par volonté de protéger leur langue contre les invasions linguistiques étrangères comme si le français trônait dans le royaume de France à l’abri des influences (sur une thématique complémentaire, voir sur ce blog D’où vient le « rayonnement de la France » ?). Le fait est que, pour reprendre l’expression d’Andres Kristol, “les Français ne savent toujours pas qu’ils sont francophones” et qu’ils appartiennent à une communauté linguistique plus vaste que leurs frontières nationales :

« Dans le monde anglophone, chaque forme régionale de l’anglais est légitime en soi. Il n’en est pas une qui soit considérée comme la seule authentique. De même, dans l’espace hispanophone, mes collègues sont fiers de la diversité de leurs parlers, même si l’on a constitué une académie, par une certaine crainte de l’évolution de la langue. Dans le monde francophone, on a une vision mythique de notre propre langue. Dans leur manière de parler, les francophones hors de France s’imaginent souvent qu’ils sont dans leur tort, car ils ont en tête un centre fantasmagorique. Le français est une langue polycentrique, mais les francophones ne l’ont pas encore compris. »

Enfin, Le Temps a également publié un article très intéressant à propos des conséquences inattendues du tremblement de terre à Haïti : Le français s’épuise sous les tentes des rescapés du séisme. En effet, l’impressionnante mobilisation américaine via ses ONG, son armée et les Haïtiens des USA qui ne parlent que l’américain des banlieues US, impose l’usage de l’anglais pour communiquer avec une population encore largement francophone et créolophone.

Mais l’usage du français pourrait pâtir de la reconstruction du pays sous l’égide des Américains, ainsi que du fait que le français sera de moins en moins perçu par les Haïtiens comme un levier de promotion sociale dès lors que l’accès à l’éducation passera par les universités américaines.

Côté pile : la France rêvée, côté face : la France réelle

Plusieurs articles ont évoqué ce mois-ci les performances scolaires des enfants d’immigrés. Voilà qui entre dans un débat à la fois plus vaste et plus précis : celui de la difficulté, voire de l’impossibilité, pour la France de prendre en compte les dimensions culturelles dans ses politiques d’intégration des immigrés.

Dans Le Figaro, avec l’article Aider les écoles catholiques à intégrer les musulmans, vous apprendrez que certaines écoles catholiques françaises comportent une majorité d’élèves musulmans, ce qui crée des situations déstabilisantes pour le personnel enseignant. Afin d’y faire face, les écoles catholiques ont mis sur pied un groupe de travail afin de produire un document mettant l’accent sur l’approche interculturelle et interconfessionnelle. Ce document s’intitule « Musulmans en école catholique ». Vous pouvez consulter les fiches d’analyse des situations interculturelles et interconfessionnelles en suivant ce lien (pdf).

De son côté, le Haut conseil à l’intégration (HCI) a publié un rapport sur les difficultés de l’école à intégrer les enfants de l’immigration (rapport ici, en pdf). Pour l’avoir lu, ce rapport n’apporte pas grand-chose à la réflexion. Face aux situations de conflit culturel, il se borne à rappeler la loi sans proposer de piste nouvelle pour appréhender les spécificités des enfants d’immigrés à l’école.

Car c’est bien là que réside le problème majeur, voire le tabou, en France : cette difficulté, et même cette impossibilité, à adapter le système, notamment éducatif, aux dimensions culturelles de populations aux normes et aux valeurs étrangères ou héritées de parents étrangers. L’accusation de stigmatisation est tout de suite brandie, quand il ne s’agit pas de racisme.

Le fait est que ces dimensions culturelles ont un impact dans leur rencontre parfois conflictuelle avec les normes et valeurs de la société française. Dans La formidable réussite scolaire des enfants d’Asiatiques, le Figaro mentionne d’ailleurs une vaste et passionnante étude de l’INED (Institut national des études démographiques) sur les trajectoires des descendants des immigrés en fonction de l’origine géographique des parents (rapport ici, en pdf). Si le Figaro se focalise sur la réussite scolaire des enfants d’Asiatiques, ce rapport aborde de nombreuses variables dont, par exemple, la maîtrise du français par les parents selon leur origine géographique, et le plurilinguisme de leurs enfants nés en France (voir pp.32 à 35 du rapport).

Voilà qui nous mène à la polémique suscitée par la publication de l’ouvrage d’Hugues Lagrange Le déni des cultures où le sociologue ose briser le tabou franco-français de l’impact des différences culturelles au sein même de la société française, notamment en matière de délinquance. Le site Slate a mis en ligne un excellent compte-rendu de ces polémiques : Immigration : un déni de lecture.

La publication de cet ouvrage a entraîné une impressionnante levée de boucliers de la part de sociologues et anthropologues, notamment de Didier et Eric Fassin. Ceux-ci ont régi violemment dans un texte d’une grande mauvaise foi intitulé Misère du culturalisme et lors d’un débat dans l’émission Ce soir ou jamais (disponible sur youtube ici). Pour résumer, Eric Fassin ainsi que Jean-Loup Amselle, tous deux présents lors du débat face à Hugues Lagrange, cherchent à discréditer le travail de Lagrange selon trois axes d’argumentation :

  1. Déni de la dimension culturelle: Les différences et les inégalités sont le fait de la société et non de l’origine culturelle.
  2. Accusation de racisme : Les dimensions culturelles sont des préjugés coloniaux et les prendre en compte, c’est faire preuve de ce qu’ils appellent avec mépris de « culturalisme », lequel mène directement au « racialisme ».
  3. Procès politique : Introduire le facteur culturel dans l’analyse sociale, c’est là une démarche en phase avec le sarkozysme.

Or, dans son livre (que je suis en train de lire), Hugues Lagrange explique justement que les facteurs culturels sont des facteurs parmi d’autres. Par ailleurs, analyser les dimensions culturelles d’origine de la structure familiale, des relations d’autorité, des rapports hommes/femmes et leur confrontation avec les dimensions culturelles de ces mêmes éléments en France ne signifie pas un retour aux préjugés coloniaux dans la mesure où l’objectif n’est pas de hiérarchiser ni d’essentialiser les différences mais de comprendre les effets de leurs interactions.

Le problème central – sur lequel je reviendrai lors d’un colloque fin novembre – tient au fait que la société française se vit et se pense telle qu’elle devrait être (une communauté réunie sous l’étendard de valeurs et normes universelles) et non telle qu’elle est (une société en devenir multiculturel). Ainsi, certaines chercheurs qui analysent les dimensions culturelles dans tel pays africain deviennent soudainement sourds et aveugles face à ces mêmes dimensions mais cette fois-ci en France lorsqu’il s’agit de penser le choc culturel vécu par les immigrés de ce même pays africain. La sortie de l’avion à Roissy serait-elle alors une épiphanie de la francité qui dépouillerait ceux qui arrivent en France de tous leurs déterminismes culturels ?

Les articles mentionnés dans cette revue de presse ont été partagés et discutés durant le mois d’octobre au sein du groupe de discussion « Gestion des Risques Interculturels » que j’anime sur LinkedIn (542 membres à ce jour). Soyez bienvenu(e) si ces questions vous intéressent!

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