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Pour prolonger la lecture de “Toujours plus à l’est” : sources, documents et illustrations

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Le livre Toujours plus à l’est, exploration littéraire de la Corée du Sud, est paru au mois de mars aux éditions Philippe Picquier. Il a reçu un accueil critique très positif (voir ici des extraits d’articles, venant entre autres du Monde diplomatique, Canard Enchaîné, Figaro, Pèlerin) et j’ai eu également le plaisir de rencontrer des Coréens francophones qui ont trouvé beaucoup d’intérêt à le lire.

Suite à des échanges avec des lecteurs, il m’a semblé utile d’apporter quelques compléments pour prolonger la lecture, un peu à la manière des bonus des DVD. Je n’entrerai pas dans l’arrière-cuisine de l’écriture elle-même, travail solitaire et de longue haleine, chemin tortueux et souvent incertain, véritable voyage en soi, certainement l’un des plus difficiles mais aussi l’un des plus exaltants. Je voudrais seulement préciser certaines allusions, références et thématiques pour ceux qui aimeraient en savoir un peu plus.

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Voici d’abord la carte du parcours que suit le narrateur :

Parcours Toujours plus a l'est

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Le premier chapitre s’ouvre en page 5 sur une citation du poète coréen Ko Un :

Ta vie commence maintenant, dans cette nuit

Où Séoul est devant toi comme une baleine.

N’hésite pas à entrer

Dans la gueule de la baleine.

Ko UnElle provient de son recueil Dix mille vies. Le poème complet s’intitule La gare de Séoul (p.17). Or, j’ai habité non loin de la gare de Séoul en 2002 et les quelques vers extraits du poème entraient en résonance parfaite avec le thème du premier chapitre. Citer Ko Un était également un moyen de susciter la curiosité du lecteur et de faire un peu mieux connaître ce grand écrivain coréen.

J’ai eu la chance de rencontrer Ko Un lors d’une lecture publique au Centre Culturel Coréen de Paris il y a quelques années. J’avais été saisi par son énergie et l’intensité de ses textes. Vous pouvez en avoir un aperçu ci-dessous (un interprète traduit en anglais) :

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Ducrocq - Pauvre et douce CoreeEn page 19, il est question du géographe Georges Ducrocq qui décrit Séoul en 1901. Son récit est publié sous le titre Pauvre et douce Corée. Bien d’autres récits de voyage et ouvrages sur la Corée ont nourri le livre. Dans un très court texte écrit à la fin de sa vie, Souvenirs souvenirs, Nicolas Bouvier, grand écrivain-voyageur, indique ce qu’on pourrait appeler son éthique du voyage: “… il vaut mieux lire au retour…” afin de préserver un rapport plus direct au monde. Pour rencontrer la réalité extérieure, la pénurie de la connaissance est préférable au savoir livresque. Alors, il est vrai qu’ainsi on peut passer à côté d’un monument ou d’un site qui attire des millions de touristes, mais au moins on ne sera pas parti en voyage pour vérifier ses connaissances et ses lectures…

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Le bar Lady Luck et le personnage du même nom apparaissent pour la première fois pages 28-29. On m’a demandé à plusieurs reprises si c’était authentique. Même si j’ai rencontré en effet Lady Luck (qui malheureusement a disparu de la circulation…), je ne dirai rien du travail de construction littéraire – mais voici une photographie montrant le lieu en question :

Lady Luck

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Le deuxième chapitre comprend en exergue une citation de Nicolas Bouvier, grand voyageur, grand écrivain, dont la lecture a été et est toujours déterminante :

Mieux vaut connaître dix choses et leurs rapports que dix mille choses éparses.

Bouvier - vide pleinElle provient de notes qu’il a prises pendant son séjour au Japon en 1964 et publiées sous le titre Le vide et le plein (p.228). Nicolas Bouvier plaide pour une certaine pénurie de la connaissance. Le désir d’omniscience représente en effet non seulement un risque d’appauvrissement littéraire, mais aussi un danger pour la communication. En savoir peu oblige à être plus proche de ses expériences et perceptions, à passer ces dernières au tamis de la mémoire personnelle et à exercer son imagination pour saisir des rapports, des analogies, des réseaux de signification inédits et riches de nouvelles expériences et perceptions.

Cette citation était à la fois une façon de rendre hommage à Nicolas Bouvier et une sorte de panneau indicateur pour le thème du chapitre consacré à la langue, aux mots, aux moyens ténus de communiquer quand on ne partage pas une langue commune.

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Aux pages 69 et 73 sont décrits deux plats coréens, le doenjang jjigae (ragoût de pâte de soja, à gauche) et le samgyetang (poulet bouilli avec notamment une racine de ginseng, à droite) :

Les deux plats

Par ailleurs, la gastronomie étant un des thèmes du troisième chapitre, voici une table coréenne :

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

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racine ginsengCe troisième chapitre est articulé autour de la racine de ginseng (le “petit homme”), laquelle figure d’ailleurs sur la couverture du livre. La page 79 apporte des éléments de contexte historique concernant le commerce du ginseng. Il se trouve qu’il y a cinq ans j’avais écrit deux articles sur le sujet, et si vous souhaitez en savoir plus sur cette histoire passionnante, je vous invite à consulter :

Le premier article mentionne le mémoire du père Lafitau au Duc d’Orléans, Régent de France, faisant état de sa découverte du ginseng au Canada (mémoire en pdf dans l’article). Je cite ce mémoire dans le livre à la page 79 en donnant son titre, que revoici:

memoire lafitau

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Aux pages 80-85, il est question des suseok ou pierres-paysage. En voici quelques exemples qui proviennent du musée coréen mentionné dans le livre :

Suseok

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Le quatrième chapitre s’ouvre avec quelques paroles tirées d’un chant traditionnel coréen, Arirang. C’est le chant de la Corée unifiée, que tout Coréen, du Sud comme du Nord, connaît. La (tentative de) traduction en français est de mon fait. Vous pouvez écouter ce chant ci-dessous (dont une version par le Philharmonique de New York sera donnée plus bas, à la note concernant les pages 106-109) :

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Page 90, il est fait référence à une carte du monde de 1595 qui représente la Corée comme une île (notée Corea Insula, en rouge clair, entre la Chine en vert clair et le Japon en orangé clair):

Corea insula

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Toujours à la page 90 est décrite la carte du monde réalisée en 1597 par Fausto Rughesi, l’un des premiers Européens (voire le premier, hypothèse à vérifier) à avoir représenté la Corée comme une péninsule, et non pas comme une île. Voici cette carte :

Carte Fausto Rughesi 1597

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A la page 97, je décris le magnifique tableau Kumgang jeondo du peintre Jeong Seon. J’ai pu l’admirer il y a quelques années au musée LEEUM de la fondation Samsung:

Kumgang Jeondo

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Les pages 104-106 sont consacrées au poète, espion et fugitif nord-coréen Jang Jin-sung. J’ai repris là des éléments d’un article que j’avais consacré à son livre. Pour en savoir plus, je vous invite à lire Le système de propagande de la Corée du Nord décrit par Jang Jin-sung, poète, espion et fugitif.

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Aux pages 106-109 est mentionné le concert historique que l’Orchestre Philharmonique de New York a donné à Pyongyang en février 2008. Vous pouvez vous procurer ce concert exceptionnel et d’une puissante charge émotionnelle ici. Je décris page 108 la version du chant traditionnel Arirang donnée par le Philharmonique. La voici :

 

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Aux pages 112-114, je reprends le thème de la barrière de la peur que j’avais traité sur ce blog dans l’article du même nom.

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Le cinquième chapitre comprend en exergue une citation de Nabokov (p.117) :

L’île Quelquepart était l’une de ses résidences préférées. (version originale : Quelquepart Island was one of his favorite residences.)

Elle provient de Lolita, et concerne le personnage de Clare Quilty. Cette mention de l’île Quelquepart est assez mystérieuse dans le roman de Nabokov. Peut-être n’ai-je pas passé suffisamment de temps à en chercher l’origine, mais je n’ai pas trouvé à quoi elle renvoyait. En revanche, elle résonnait de façon très étonnante avec le nom de l’île Jeju, et avec l’idée que c’était là un aboutissement du voyage.

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Varat - Deux voyagesPages 125-126, le narrateur évoque le voyage de Charles Varat en Corée en 1888. Le récit de sa traversée de la péninsule jusqu’à Pusan (Deux voyages en Corée) se trouve ici. L’anecdote concernant le prince coréen montrant ses fesses à Charles Varat figure en page 30. Après avoir séjourné longuement dans un lieu, à l’étranger ou même en France, j’aime lire les récits anciens de rencontre avec ce même lieu. Je m’attache particulièrement au regard que le visiteur porte sur ce lieu.

Voilà qui permet de prendre conscience de son propre regard, et de raviver son étonnement des premiers jours après plusieurs mois ou années sur place. Ces récits, aussi partiels et subjectifs soient-ils, apportent également une profondeur historique qui donne à voir autrement le lieu en question.

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Pages 128-129, je cite un extrait des Prairies d’or, le grand ouvrage du géographe arabe Al-Masudi:

Prairies d'or - extrait

Et pour ceux qui auraient de la curiosité pour ce très beau livre, vous pouvez le consulter ci-dessous (l’extrait que j’ai repris dans Toujours plus à l’est se trouve à la page 346):

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Girafe 1414Page 129, les expéditions de l’amiral Zheng He et le rôle de la girafe chez les Chinois ont déjà été traités sur ce blog dans l’article Le charme de la girafe : expéditions navales chinoises aux XVe siècle. L’inscription ancienne en chinois: “Il faut traiter avec douceur les gens lointains” est mentionnée dans un article en anglais sur les expéditions navales en question.

Malgré de nombreuses recherches sur le Net pour essayer de croiser cette source, je n’ai pas vu sa mention ailleurs. Elle apparaît peut-être dans des sources en langue chinoise. Peu importe, elle apporte dans ce paragraphe un élément de morale (au sens de La Fontaine) qui me plaisait fortement au moment de son écriture.

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Aux pages 140-141 sont rappelées les mésaventures de Hendrik Hamel, captif en Corée pendant treize années au XVIIe siècle. Vous pouvez lire ci-dessous sa Relation du naufrage d’un vaisseau hollandais sur la côte de l’île de Quelpaert avec la description du Royaume de Corée, premier témoignage direct d’un Européen sur ce pays alors extrêmement méconnu :

Bouvier Hallasan

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Page 141, il est indiqué que Nicolas Bouvier, décrivant son ascension du volcan Hallasan, aurait aimé revenir mourir à l’île Jeju. Je reprends cette anecdote de son petit livre Les chemins du Halla San, où il écrit p.57 :

Partout, dans la campagne, ces sépultures sont là, dans leur imperceptible souffle, dans cette béatitude verte, dans cette légère convexité. « Bienvenue dans le repos. » Je reviendrai mourir ici.

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Enfin, le volcan Hallasan, avec son cratère et le petit lac au milieu, est décrit aux pages 141-142. Le voici :

Sommet Hallasan

Quelques suggestions de lecture:

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