Dans un reportage d’Arte consacré il y a quelques mois à la présence des Chinois au Congo, Fiyake LIU, directeur général de la CDM, 2e plus gros producteur de cobalt et de cuivre chinois, déclare : “Quelles que soient l’action de la CDM au Congo et les décisions que nous prenons, nous pensons à long terme : nous nous projetons dans 50 ou 100 ans.”
Il est toujours intéressant de noter ce type de positionnement sur le long terme venant de la part des Chinois, d’autant plus qu’il ne provient pas d’une haute autorité politique mais d’une entreprise engagée dans la course aux matières premières. Pour ma part, je n’ai jamais entendu un dirigeant français affirmer avec une telle évidence son ancrage dans un si long terme. Très souvent, l’amplitude du regard que porte le dirigeant sur l’avenir de son entreprise reste limitée à la durée de son mandat de dirigeant, voire au terme de sa carrière, et si certains positionnent leur entreprise aux défis des cinq ou dix prochaines années, il ne s’en trouve aucun, même dans le nucléaire, pour raisonner au-delà de 50 ans, et encore moins à l’échéance d’un siècle…
Quand on parle de la Chine, notamment par rapport à sa présence en Afrique, on évoque très souvent son “pragmatisme” basé sur une stratégie gagnant/gagnant et un discours articulé autour de la coopération et jamais sur le paternalisme. L’accord commercial de la Chine passé avec le Congo est à ce titre très intéressant. En voici les termes:
- la Chine s’engage à construire pour 9 milliards de dollars d’infrastructures : 3500 km d’autoroute, 3500 km de voies ferrées, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles, des universités,
- en contrepartie, elle accède à 10 millions de tonnes de cuivre et 200 000 tonnes de cobalt
- « les Chinois ne posent aucune condition en échange de leur aide à reconstruction du pays ravagé par des années de guerre civile, ils ne s’immiscent pas dans la vie politique congolaise et ne réclament ni bonne gouvernance, ni respect des droits de l’homme… » (commentaire d’Arte)
- « … et surtout ils ont été plus rapides que les Occidentaux » (idem)
On pourrait ainsi reprendre les accords passés avec tous les pays africains où les Chinois sont présents. On retrouverait à chaque fois la mise en place d’une stratégie basée sur le long terme avec un pragmatisme basé sur la coopération, et surtout le BTP comme fer de lance de sa mise en œuvre (voir par exemple l’accord récent passé entre la Chine et la Guinée). Les Chinois ont parfaitement compris qu’il ne servait à rien de partir directement à l’assaut des matières premières, comme l’ont fait dans les décennies précédentes les pays occidentaux.
Reste à savoir si le co-développement tant vanté par les Chinois profitera cette fois vraiment aux Africains. Le pari est ambitieux mais Chinois et Africains sont en train de s’engager dans des liens bien plus intenses que ceux du paternalisme. Toute la question concerne justement le passage du long terme car, pour se démarquer notamment de la France qui joue sur une histoire commune avec l’Afrique, la Chine doit construire cette histoire. Sans cela elle échouera. Voilà pourquoi les Chinois pensent à un siècle d’échéance dans leur action en Afrique – mais voilà pourquoi également leurs concurrents ne doivent plus s’appuyer sur un siècle d’histoire passée…
Pour approfondir ce sujet, vous pouvez lire l’article très complet paru en septembre dernier dans le Monde diplomatique, Le Congo et ses amis chinois.
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