L’expatriation se maintient
La Direction des Français de l’Etranger et des Etrangers en France (DFAE) a publié le 18 juillet les résultats de l’enquête sur l’expatriation des Français en 2010 auprès d’un échantillon de 3357 Français expatriés et 981 candidats à l’expatriation (cette enquête de 36 pages est disponible en suivant ce lien pdf).
L’enquête apporte des informations sur le profil socio-économique des expatriés, leur situation professionnelle, leur motivation au départ, le type de séjour, la répartition hommes/femmes par secteur d’activité, la maîtrise de la langue locale, les difficultés rencontrées et les relations avec l’administration françaises. On y apprend également que « la population française établie à l’étranger a évolué selon un taux de croissance annuel moyen stabilisé entre 3% et 4% ces dix dernières années. » Voilà qui représente pour les consulats près de 130 000 nouveaux inscrits chaque année.
(Presque) tout est difficile quand on est loin
Je voudrais partager avec vous deux documents. Le premier concerne les difficultés rencontrées par les expatriés. Il s’agit d’un graphique (p.26 de l’enquête) que j’ai modifié pour lui donner une plus grande visibilité. Ainsi, dans la représentation ci-dessous, je ne fais pas apparaître la catégorie « Ne se prononce pas » et je réunis les catégories « Quelques difficultés » et « Difficultés majeures » en une seule catégorie : « Des difficultés ». Enfin, j’ai classé dans l’ordre décroissant ces difficultés :
La culture professionnelle locale reste un défi important à surmonter près de la moitié des expatriés. L’enquête note que ces résultats connaissent de considérables variations géographiques : les expatriés ont de bien plus grandes difficultés sur le plan managérial en Afrique du Nord et au Proche et Moyen Orient qu’en Amérique du Nord ou en Europe occidentale. L’insertion dans la vie sociale est un plus grand défi au Proche et Moyen Orient et dans les pays d’Asie-Océanie.
Globalement, si l’on excepte le problème des démarches administratives, les difficultés principales résident dans l’adaptation culturelle sur le plan linguistique, managérial et social. Autant de difficultés qui peuvent être réduites avec une approche professionnelle des interactions culturelles. Mais ces taux élevés ne sont pas forcément l’indice d’une déficience de l’entreprise en matière d’encadrement de ses expatriés, la part du caractère individuel et de l’investissement personnel est fondamentale pour développer des capacités d’adaptation.
Tout va mieux quand on est loin ?
Le second document est une synthèse du comparatif entre la France et le pays de résidence des expatriés (p.27 de l’enquête). Interrogés sur ce qui est « moins bien » ou « mieux » dans leur pays de résidence par rapport à la France, les expatriés ont répondu ceci :
Ces statistiques sont très intéressantes : elles montrent un hiatus entre les motivations au départ qui souvent mentionnent une lassitude à l’égard de la France (cf. p.20 du rapport) et la perception majoritairement positive des réalités françaises une fois en poste. Un autre hiatus est noté dans l’enquête :
« Alors que les expatriés interrogés se montrent généralement élogieux vis-à-vis de leur nouveau pays de résidence, ils jugement comparativement ‘moins bons qu’en France’ de nombreux aspects de leur vie quotidienne à l’étranger. »
Par ailleurs, l’enquête remarque que « rares sont les nostalgiques du régime fiscal français », notamment en Afrique non francophone où la proportion d’expatriés estimant la fiscalité locale meilleure qu’en France s’élève à 81% (vient ensuite l’Amérique centrale et du Sud avec 74%). Nous pourrions ajouter que nombreux sont aussi les nostalgiques du système de santé français. Certains pourraient en conclure que les expatriés français voudraient le beurre et l’argent du beurre, autrement dit un système de fiscal avantageux et en même temps un système de santé performant.
Enfin, sur le plan matériel, les Français expatriés en Asie-Océanie (à 78%) et au Proche et Moyen Orient (à 76%) sont les plus nombreux à connaître un niveau de vie meilleur qu’en France. En revanche, les expatriés en Europe Occidentale sont 62% à constater une amélioration (contre 68% toutes destinations confondues). Dans l’enquête, on peut lire le commentaire suivant :
“C’est donc bien en termes d’opportunité économique que l’expatriation continue d’être appréhendée par un grand nombre de nos compatriotes.”
Pourquoi cette remarque au ton légèrement ironique ? Pour bien la comprendre, il faut revenir une dizaine de pages en arrière, aux pages 17 et 18 exactement, où les expatriés et candidats à l’expatriation sont interrogés sur les raisons de leur expatriation ou de leur désir d’expatriation. En premier vient la « découverte d’un nouveau pays ou d’une culture » : 72% (candidats à l’expatriation : 81%). « L’augmentation de revenus » se trouve seulement en quatrième position : 23% (candidats : 20%). S’agit-il d’une pudeur bien ancrée dans notre culture qui empêche de déclarer sa motivation matérielle ? Ou bien d’une évolution logique de l’idéalisme du départ vers le matérialisme de l’expérience confortable à l’étranger ?
Et la dimension professionnelle ? Elle n’arrive qu’en deuxième position : les « expériences professionnelles nouvelles » sont citées comme raisons d’expatriation par “seulement” 50% des expatriés et 52% des candidats à l’expatriation, loin derrière la découverte d’un nouveau pays ou d’une nouvelle culture. S’agit-il d’un manque d’intérêt pour la raison même de l’expatriation dont la finalité (le travail) est détournée au profit d’un intérêt personnel (la découverte d’un pays)? Ou bien de la conséquence logique d’un tropisme culturel propre aux Français qui valorisent le fait de travailler pour vivre et non pas de vivre pour travailler?
Pour prolonger avec un article complémentaire de celui-ci, je vous invite à consulter Profil de l’expatriation en France.
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