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Culture des cultures – revue de presse

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Revue de presse des articles du mois d’avril ayant attiré mon attention et alimenté certains articles du blog.

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« Il s’appelle Hassan ! Est-ce que c’est vrai ? Etonnant ! » Un élève d’une école primaire de Séoul assistant à l’exposé d’un expatrié pakistanais

Management et aménagements

Sur le site de l’AGEFI, je signale un article consacré à la diversité culturelle au sein des groupes financiers français. Ce coup de projecteur est d’autant plus bienvenu que dans ce secteur d’activité la sensibilité interculturelle est peu développée (voir sur ce blog L’illusion aculturelle). En apparence, on peut constater certaines évolutions. Par exemple, le comité de direction du groupe Société Générale comprend 55 membres, dont la moitié sont étrangers ou d’origine étrangère.

Mais ces évolutions signalent-elles un réel changement de mentalité ? D’après le témoignage d’un financier marocain, il semble que l’on en soit encore loin :

« On a besoin d’autres formes de leadership que celles purement françaises ! Les financiers anglo-saxons viennent souvent des arts, des sciences humaines… En France, on se focalise trop, pour promouvoir les personnes, sur leur succès passé et le sacro-saint ‘PNL’ (profit & loss). On ne pense pas assez à ce que sera la finance de demain. »

Sur la comparaison entre le caractère français et le caractère américain, je renvoie à un intéressant article de Slate, Jeunes: le pessimisme des Français contre l’enthousiasme des Américains. La différence entre jeunes Français et Américains apparaît très tôt dans la façon de percevoir leurs propres capacités :

Des études de 2006 montrent que les Français de dix ans interrogés sous-estimaient leur capacités en lecture par rapport à la réalité. Ils étaient bien moins «nuls» que ce qu’ils pensaient. A l’inverse, les Américains de 13 ans, selon une étude citée dans le livre de 2009 The Narcissism Epidemic (L’Epidemie de narcissisme) surestiment leurs capacités en mathématiques, et trois lycéens sur quatre se disent «satisfaits d’eux mêmes».

Mais, contrairement à son titre, l’article de Slate ne fait pas l’éloge béat de l’optimisme américain, il signale également les défauts de cette société qui a encouragé la confiance en soi jusqu’à l’absurde. Les parents américains n’osent ainsi plus contredire leurs enfants, qui développent un narcissisme pathologique.

Ceci dit, « la société française fonctionne comme une gigantesque machine à casser des destins » à force de décourager les ambitions des jeunes générations. Il est en effet manifeste qu’en France on valorise plus la protestation contre des projets que le fait de mener à bien un projet personnel.

Ce particularisme n’est qu’un élément parmi toute une série de défaillances sociales qui finissent par composer un environnement professionnel très problématique. Dans l’article Les salariés français frustrés de participatif, on apprend notamment que si 77% des Français sont motivés au travail, ils sont en revanche 52 % à estimer qu’en disant ce qu’ils pensent ils risquent d’être mal vus. Par ailleurs, la Tribune cite une étude internationale parue fin 2010, selon laquelle 60% des salariés français avouent déconseiller à leur entourage de travailler un jour dans leur entreprise, contre 40% en Allemagne.

Voilà qui amène à s’interroger sur les pratiques managériales occidentales dans un contexte non occidental. En effet, même lorsqu’il s’agit du modèle américain, il n’y a pas d’universalité des modes de pensée et d’action. C’est là une leçon de la mondialisation qui devrait être acquise. Nous sommes donc en train de passer à une nouvelle étape : l’invention de modèles managériaux non occidentaux. C’est ce qui résulte de la lecture de l’article de Challenges La Chine, nouveau modèle de management où l’on trouve un témoignage très instructif :

L’histoire que m’a confiée Zong Qinghou, le PDG du groupe alimentaire Wahaha, célèbre pour avoir bataillé avec Danone et être passé en 2010 en tête du classement Hurun des fortunes influentes de Chine, est à cet égard édifiante. Conformément aux usages instaurés à l’époque de Deng Xiaoping, Zong avait envoyé sa fille en Californie pour perfectionner son anglais et apprendre le management à l’américaine dans une business school. A son retour, il lui avait confié la direction d’une filiale du groupe. Le résultat s’est avéré plus que décevant. « Elle était trop occidentalisée, raconte Zong. Elle avait besoin d’apprendre à écouter les ouvriers et à s’adapter à la culture locale. »

Autrement dit, nous assistons à une désoccidentalisation et à une relocalisation des formations et des pratiques. Quoi de plus emblématique de cette situation que le défi de l’entraîneur de football Philippe Troussier en Chine ? Dans l’article Philippe Troussier et les moines Shaolin au secours du football chinois, nous apprenons que le Français est depuis peu l’entraîneur du Shenzhen Ruby, club champion de Chine en 2004, mais habitué depuis au bas de tableau. L’un des points de friction culturelle tient au régime alimentaire des joueurs avec l’opposition entre la tradition de la diététique chinoise et la modernité de l’approche scientifique et rationnelle occidentale.

Par ailleurs, les Chinois s’interrogent sur la possibilité d’inclure dans l’entraînement des joueurs de football des techniques des moines Shaolin. Ces derniers seraient déjà impliqués dans une expérience originale, elle-même interculturelle :

« Le Temple Shaolin a ouvert en octobre dernier une académie de football où s’entraînent désormais 40 pratiquants, des enfants d’une dizaine d’années. Le projet est d’autant plus sérieux que la célèbre institution d’arts martiaux a fait appel aux services d’Alphonse Tchami, ancien international camerounais ayant joué les Coupes du monde 1994 et 1998. »

Si loin, si proches…

Les révolutions ne viennent pas d’ailleurs, elles sont d’ici. En apparence, ce précepte vaut pour les multiples révolutions arabes. Si la révolution tunisienne a réussi, c’est qu’elle venait du peuple tunisien, contrairement au changement de régime en Irak. La puissance d’adhésion d’un peuple à une cause sera d’autant plus forte que cette cause n’a elle-même que des causes internes à ce peuple.

Ceci dit, il peut y avoir également des causes lointaines, plus diffuses, moins évidentes, qui ont œuvré à renforcer les causes internes. Le New York Times (U.S. Groups Helped Nurture Arab Uprisings) fait ainsi état des très nombreuses actions des ONG, fondations et autres organisations américaines dans les pays arabes. A titre d’exemple, de jeunes leaders égyptiens ont été invités en 2008 à New York pour se former aux réseaux sociaux sur internet et aux technologies mobiles pour promouvoir l’idée démocratique. Si loin, si proches, grâce à l’efficace soft power américain

… et allemand. Une étude menée par le British Council vient de placer l’Allemagne à la première place pour l’ouverture de son système d’enseignement supérieur aux étudiants étrangers. Les Allemands récoltent là le fruit de leurs efforts pour attirer les meilleurs au sein de leurs universités. L’Allemagne est ainsi devenue la destination préférée des étudiants d’Asie du Sud, et notamment des doctorants indiens. Voici un pari sur l’avenir qui mériterait d’être analysé de près quand on considère que cet investissement sur la jeunesse des pays émergents promet par la suite des échanges économiques renforcés entre l’Allemagne et les pays d’origine des étudiants.

Si loin, si proches, la France et la Corée du Sud ? La question reste ouverte avec la restitution des archives royales coréennes qui vient tout juste de commencer. Certes, il s’agit là d’un rapprochement entre les deux pays mais au terme d’une longue et douloureuse histoire qui commence avec l’expédition punitive des Français sur les côtes coréennes en 1866 (cf. sur ce blog Pourquoi la France a restitué à la Corée ses archives royales ?).

Si loin, si proches, en Corée même. Le royaume (autrefois) ermite s’ouvre de plus en plus au monde et à la présence d’étrangers en Corée. Mais la culture de ces derniers reste souvent une abstraction pour les Coréens, d’où l’intéressante initiative de la municipalité de Séoul qui vient de recruter 100 expatriés afin d’enseigner la culture et l’histoire de leur pays dans les écoles primaires. Une démarche qui mériterait d’être reproduite de façon systématique dans bien des pays…

Si proches, et pourtant si loin, culturellement. C’est le sentiment que l’on a en lisant Nucléaire et psychologie : les Japonais contiennent leurs émotions…pas nous sur le site Cafebabel. Les analyses de cet article rejoignent celles faites sur ce blog : Les Japonais ont peur, les Français paniquent qui ont rencontré un surprenant écho au Japon ces deux dernières semaines avec un trafic important sur ce blog.

Nation et discrimination

Hasard du calendrier ou pas, une série de rapports et d’articles ont été publiés ce mois-ci à propos de différentes formes de discriminations en France :

Enfin, les questions liées aux discriminations ne sont pas le monopole de la France. Dans le Guardian vous lirez avec intérêt White male culture dominates police. Une étude remet en effet en cause l’image d’ouverture interculturelle véhiculée par la police britannique.

Emergents submergeant

Diploweb propose une belle analyse sur la coopération brésilienne avec l’Afrique. A trop se focaliser sur la Chine en Afrique, on en vient à oublier la diversité des nouveaux partenaires des pays africains. Le Brésil y est un acteur de premier plan à l’influence grandissante. Il serait utile d’avoir une étude similaire sur les relations entre l’Inde et les pays africains.

A propos de l’Inde, Le Wall Street Journal critique fortement la qualité des formations des ingénieurs indiens dans India Graduates Millions, but Too Few Are Fit to Hire. On y apprend notamment que si les écoles d’ingénieur ont une capacité d’accueil de 1,5 million d’étudiants (contre 390 000 en 2000), 75% des techniciens diplômés et 85% des diplômés en général ne peuvent travailler dans les industries indiennes, faute d’une qualification suffisante.

Sur le site Inaglobal consacré aux industries culturelles, vous trouverez une intéressante étude intitulée Le marché du film indien, impénétrable pour le cinéma international ? Les distributeurs étrangers doivent enfin comprendre que pour pénétrer ce marché il faut faire des films indiens :

« Mais les distributeurs devront dans le même temps s’adapter aux spécificités indiennes. L’Inde est en effet une nation multiculturelle comprenant une multitude de langues, d’où la nécessité de doubler les films en cinq ou six langues, et d’accepter de céder parfois certains droits afin d’occuper plus efficacement et durablement le terrain […] tout en privilégiant certains genres pouvant rencontrer plus facilement l’adhésion du public comme la comédie ou le grand spectacle, moins exposés à la censure. »

Enfin, il faut lire avec attention l’article du Quotidien du Peuple : Strong public diplomacy vital for China où les autorités chinoises affirment fortement leur volonté de développer leur diplomatie publique. Elles le font avec une rhétorique et un argumentaire qui pourraient être pris directement du Département d’Etat américain. L’objectif de ces actions d’influence culturelle est double : renforcer la cohésion sociale à l’intérieur des frontières et séduire les populations des autres pays à l’extérieur des frontières. Autrement dit, on peut s’attendre, par exemple, à un essor des films chinois dans les mois et années à venir…

Les articles mentionnés dans cette revue de presse ont été partagés et discutés durant le mois d’avril au sein du groupe de discussion « Gestion des Risques Interculturels » que j’anime sur LinkedIn (716 membres à ce jour). Soyez bienvenu(e) si ces questions vous intéressent!

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