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Quand le culturel revient au galop…

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Dans le cadre d’une expatriation, une mauvaise adaptation à un environnement étranger ne risque pas seulement de mettre en péril la coopération avec les employés d’autres cultures. J’ai déjà évoqué les différentes causes d’échec des expatriations (voir ici). Il ne s’agit pas là d’une liste exhaustive, elle peut être notamment complétée par un autre aspect du problème.

En effet, quand on considère les risques interculturels, on prend généralement en compte l’impact des différences culturelles sur les expatriés dans leur relation avec des étrangers. Or, il ne faut pas perdre de vue l’autre moitié du problème: l’impact de ces mêmes différences sur les travailleurs locaux amenés à travailler avec des étrangers.

Dans le cas d’une coopération compliquée, où il n’y a pas d’entente ni de confiance entre – par exemple – les managers occidentaux et les travailleurs locaux, l’impact pour l’entreprise ne concerne pas seulement le coût d’un projet mal mené ou avorté, mais aussi son image dans le pays d’implantation et, surtout, sa capacité à mobiliser des ressources humaines locales pour son activité présente et son développement futur.

C’est de dernier aspect qui me semble ici important quand on considère les conséquences des conflits interculturels. Altération de l’image du management de l’entreprise, perte de crédibilité, découragement des employés et cadres locaux et, dans le cadre d’un pays en développement, volonté de ces mêmes cadres et employés de ne plus travailler qu’avec des entreprises locales.

Voyez ainsi le témoignage très intéressant d’un Chinois, Li He, spécialiste du développement 3G, qui travaille depuis plusieurs années pour une filiale chinoise d’un grand groupe international basée à Shanghai. Il est désormais partagé entre le prestige de travailler pour un grand groupe étranger et le désir de rejoindre une entreprise chinoise telle que Huawei où il retrouvera des repères en termes de management et de culture.

En effet, cet ingénieur explique ainsi: « Il y a encore quelques années, je n’aurais jamais envisagé de travailler pour une entreprise chinoise. Les salaires étaient trop bas et les perspectives d’évolution réduites. Avec mon expérience de travail dans un grand groupe international, je m’aperçois que je ne suis pas toujours à l’aise avec ma hiérarchie étrangère, et je me dis que je serais peut être plus en phase dans une compagnie comme Huawei ».

La raison profonde de son hésitation ne tient ni au salaire ni aux avantages sociaux mais aux différences culturelles: « Des choses simples pour un Chinois deviennent des sources de conflit dans des équipes mixtes. On perd du temps à faire des mises au point interminables sur le management. Je pense que je serais plus performant chez Huawei, mais il y a vraiment beaucoup de concurrence pour ces postes. »

Ce témoignage a valeur symptomatique. A présent que bien des entreprises des pays en voie de développement s’alignent sur les modèles occidentaux en termes de conditions de recrutement, les grands groupes internationaux sont de plus en plus confrontés à la difficulté de recruter une main d’œuvre qui, à conditions similaires, préfèrera toujours privilégier une entreprise de son pays. D’autant plus qu’ils paient les conséquences des précédents conflits interculturels.

Ainsi, on voit par là que le recours à l’expatriation sera de moins en moins une solution, que le défi pour les grands groupes occidentaux consiste à trouver un point de différenciation avec les entreprises locales des pays en développement et qu’il y a bien longtemps que le management interculturel ne devrait plus être un simple vernis de l’expatriation mais une véritable priorité dans une stratégie globale de développement.

C’est là une nécessité vitale pour l’entreprise d’un pays développé car dans les pays en développement la mémoire des conflits interculturels chez les salariés locaux est bien plus longue et profonde.

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